Dimanche 7 mai 2017

dans une petite ville du Sud de la Moselle //Fratricide (1)

- Alors Ousmane, tu as fait fortune ce soir ?
- Bof, juste un couple d’Allemands et leurs enfants. Ils se sont arrêtes par hasard…
- Normal, tu es le seul restau ouvert le dimanche soir, rigola Bertrand. Redonne-moi une bière…
Ils discutèrent de choses et d’autres. Bien sûr, le sujet des élections tomba sur le tapis.
- J’espère qu’elle ne va pas passer, intervint Julie qui revenait de la cuisine. Je ne voulais pas ouvrir aujourd’hui. Mais tu connais Ousmane…
- Ben, pourquoi ?
- Tu sais Bertrand, il suffit de peu de choses pour que les gens aient un coup de folie.
Bertrand éclata de rire :
- Pas chez nous. Même Fabian vient manger chez vous.
- Oui, reprit Julie, mais, tu sais, il fait des réflexions…
- Oh ! contesta Ousmane, il plaisante.
- Derrière chaque plaisanterie, il y a un fond de vérité.
- Le Pen lui fait peur, ricana Ousmane. Ce matin, elle m’a obligé à aller voter pour Macron. Tu te rends compte Bertrand, moi un petit-fils de mineur, voter Macron !
- Maintenant, tu es un bourgeois, le plaisanta Bertrand. Moi, j’ai pas voté. D’ailleurs, même au premier tour j’y ai pas été. Je m’en fous ! Le Pen, Macron… N’importe quel autre d’ailleurs.
- Qu’est-ce que tu vas faire à la Mairie si tu ne votes pas ?
- Pour une fois qu’il y a une animation dans le bled… s’esclaffa Bertrand. Et puis Fabian a dit qu’on ferait la fête… Et quand il s’agit de picoler, je suis toujours le premier.
- Il fait ça où ?
- Au café « Chez Nous »…
- Evidemment ! claqua Julie.
- Oh, se défendit Bertrand, ça fait je ne sais combien de temps que je n’ai pas mis les pieds là-bas… L’autre, il me prenait trop la tête avec sa politique…

Le Pen était arrivée en tête, d’une courte tête, il faut bien le dire. Au plan local, comme au plan national. Bref, Le Pen était la Présidente. Déjà à la Mairie, on chanta « La Marseillaise ». Déjà à la Mairie, on brailla « On est chez nous ! ». Bertrand suivit son copain d’enfance Fabian, comme la vingtaine de jeunes qui traînait là. On but au café « Chez Nous ». On chanta beaucoup et pas seulement « La Marseillaise ». Et on continua de boire et de boire jusqu’à atteindre l’euphorie. Qui proposa de faire un tour en ville ? En tout cas, c’est le patron de « Chez Nous » qui fournit les drapeaux bleu blanc rouge…
Les gendarmes traînaient en ville. Alors, lorsqu’ils virent la vingtaine de jeunes brailler « La Marseillaise », agiter leurs drapeaux, crier « On est chez nous », ils suivirent le cortège. Oh ! certains ne marchaient pas bien droit… Oh ! certains étaient plus excités que d’autres… Mais, les jeunes, il fallait bien qu’ils s’amusent.

 

Qui lança : « On va chahuter Ousmane » ? Qui avait amené un (ou des ?) cocktail Molotov ? Qui donna ce cocktail Molotov à Bertrand ? Personne ne put le dire. Même les gendarmes, qui stationnaient à une quinzaine de mètres de là, affirmèrent qu’ils n’avaient rien vu. Juste Bertrand…

 

Ousmane et Julie décédèrent dans l’incendie, ils étaient occupés à ranger leur cuisine. Bertrand se suicidera trois jours plus tard à la Maison d’arrêt de Metz.
Ousmane était l’arrière-petit-fils de Mustapha. Bertrand était l’arrière-petit-fils de Marthe.

 

 

 

Quatre-vingt dix neuf ans plus tôt le

 

16 novembre 1918

(la suite)

 

 

 

 

 

 

 

Sur le fascisme, lire :

Mme Schuh

 

 

Consulter le Notre Petit Dictionnaire

 

Fratricide
* 7 mai 2017
* 16 novembre 1918
* 17 novembre 1918
* L’attente
* L’entrée des troupes
* Retrouvailles
* Quelque temps plus tard
* Quant à Marthe…
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Date de dernière mise à jour : 08/11/2023

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