Coup de théâtre

Etant toujours en congé maladie, le Milou n’était rentré que le lundi matin à Nancy. Sa mère préparait le repas du midi. Dès qu’il passa la porte, juste après la bise de rigueur :
- T’as été au bal ?
- Non, non, mentit-il.
- Ta chemise est encore marquée par ton tricot.
Le Milou s’émietta en explications. Oui, il avait été au bal. Mais, c’était pour faire plaisir à son «
 Oda chérie ». Mais, il s’était bien tenu. D’ailleurs, il était rentré coucher tôt. D’ailleurs, les parents de l’Oda les avaient accompagnés. Sa mère interrompit ses divagations par un bref :
- Le principal, c’est que tu t’amuses et que t’sois heureux.
Il éternua bruyamment.
- A tes amours ! que lui fit sa mère.

Ball5

Le Milou se planta devant le poste de T.S.F. La photo de sa petite Oda chérie était coincée là. Un cafard fou l’envahit au point de faire couler une larme. Et avec cette pluie, c’était encore bien pire. Le poste diffusa : « Tu m’as donné chérie, le plus beau moment de ma vie ». La chanson était si vraie pour lui… Il voudrait rester tout le temps près d’elle. Hélas ! vingt huit kilomètres les séparaient. « Vivement samedi ».
Il éternua plusieurs fois.
- Ah ! t’vois que t’as pas été sérieux ! rigola sa mère.
- C’est l’Oda qui m’a repassé son rhume. J’suis servi.
- Et tes copains là-bas ?
- On va tous aller au bal dimanche prochain. Ça va être une belle fête.
- C’est bien que t’ais des copains sérieux, pas comme ceux de Tomblène, fit sa mère en hochant la tête. J’suis plus tranquille quand t’es avec ton Oda.

 

Dès que sa sœur rentrerait de ses cours, il la mobiliserait pour qu’elle lui écrive une belle lettre pour sa future femme chérie… Mais, sur le coup de midi, ce fut son père qui passa la porte :
- Milou, il faut qu’on discute sérieusement, lui dit-il en guise de bonjour.
Le Milou s’enfonça dans ses petits souliers. Ça y est qu’avait-il encore fait ? Il chercha… Son père ne savait quand même pas déjà qu’il avait été au bal samedi soir… Et puis, même, il n’avait rien fait de mal.

 

Il éternua trois fois de suite. Par nécessité ou pour se donner une contenance ? Lui-même n’aurait pu le dire.
- Tu as fait des imprudences ! Normal avec ce temps de vache qui pisse… Tu as quelque chose de prévu mardi soir ?
- Rien… bafouilla le Milou.
- Très bien, tu me remplaceras.
- Pour faire ???
C’était fort simple, le Milou devait être propre comme un sou neuf, sapé comme un milord. Il devrait ouvrir ses oreilles et aiguiser ses neurones. Où son père voulait-il en venir ? Etait-ce un piège ?

 

Son père sortit une cigarette, la tourna dans tous les sens. Le Milou n’en menait pas large. Son père finit par allumer la cigarette. Il reprit :
- Demain soir, il joue « le tambour battant » au théâtre… Je devais y aller avec des copains de la Libre-pensée. Mais, voilà, j’ai une réunion syndicale importante, alors j’ai pensé à toi.
Depuis combien de temps avait-il été au théâtre ? Ça remontait avant la guerre… Il était bien jeune à l’époque. Non, ça ne pouvait lui faire de mal. Il fut même heureux de l’idée. Dommage que son Oda ne serait pas là…
- M’man veut pas y aller ?
- C’était bon quand j’étais jeune, pouffa sa mère. Maintenant… Profites-en mon fils.
- Un peu de culture, ça ne peut pas faire de mal. Pour nous autres ouvriers, ça nous ouvre de nouveaux horizons, conclut son père.

 
 

le 20 juin 2017
(mise à jour le 6 juin 2019)

 

 

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Date de dernière mise à jour : 30/12/2023

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