La lumière

Une montée et bientôt, toute végétation s’évapora. Plus d’herbe, plus de buisson, plus de dromadaire, même les familiers poteaux disparurent. Le seul mobilier de cette contrée brunâtre résidait en quelques grands rochers dressés ça et là. Plus, ils avançaient, plus l’horizon se dérobait et se noyait dans le néant. Les paysages plats et bruns succédaient à d’autres rigoureusement identiques.
Les souriantes villes aux maisons de toub, leur palmeraie et stations services, n’étaient plus qu’un doux souvenir. La monotonie de l’hamada du Tademaït était éprouvante, quatre cents interminables kilomètres.

 

L’étroitesse du bitume rendait les croisements délicats, surtout avec ces énormes semi-remorques de la SNTR qui ralentissaient à peine. Muriel était obligée de se garer sur le bas-côté. Le passage du lourd véhicule provoquait un tel déplacement d’air que la Simca en tremblait.

 

Les difficultés augmentèrent lorsque l’obscurité envahit les vastes étendues de pierrailles. Un lumignon brillait au loin. La concentration de Muriel se partageait entre la chaussée éclairée par ses phares et ce seul point qui rompait l’uniformité de la nuit. Ce ne pouvait être que la gargote indiquée dans le Guide du Sahara.
Ils étaient comme aspirés par cette lueur vacillante qui représentait une zone habitée. Surtout, par la perspective d’un bon repas et de la boisson. Un peu sur la gauche un faisceau tremblotait.
Largement sur la gauche, le faisceau dansa. Ils roulaient à assez vive allure. Pourtant, au bout de vingt minutes, ils n’avaient pas atteint la gargote. Quand au faisceau, il s’était un peu rapproché et dédoublé. Muriel distinguait nettement deux projecteurs blancs.
Enfin, les feux de positions oranges, fixés au-dessus de la cabine, apparurent. Le regard aimanté par les phares, Muriel fonçait sur eux.
Elle se rangea précipitamment et attendit… une bonne minute avant que le camion ne la croisât effectivement.

 

La lumière tremblotait toujours à l’horizon. Elle était là, bien présente, à les narguer, à les stimuler, pourtant cela faisait près d’une heure qu’ils roulaient. Muriel commençait à désespérer, à en avoir marre de ce bitume semé de nids de poule. Elle s’arrêta en retrait de la route. Etienne, son compagnon, n’avait pas plus envie de continuer qu’elle. La lumière semblait inaccessible, alors autant camper ici.

 

Au menu de ce soir, miettes de thon et riz à la sauce tomate. Déjà Etienne sortait le camping-gaz et s’apprêtait à faire chauffer l’eau.

 

Au loin, sur la gauche de la gargote naquit un nouveau faisceau lumineux. Un chantonnement avertit que l’eau bouillait. Il jeta le riz dans la casserole et couvrit.
Quelques instants après, ils perçurent un ronronnement. Le faisceau lumineux avait dépassé la gargote par la gauche. Elle n’était donc pas au bord de la route. Etienne sortit les jumelles et lorgna vers le lumignon, il ne distingua rien de plus qu’un gros point lumineux. C’était peut-être une base de la SONATRACH.
Le semi-remorque se détacha de la nuit. Entre l’instant où ils avaient aperçu ses phares et son passage, il s’était écoulé 45 minutes. Ils avaient rudement bien fait de s’arrêter…

 
 

Le 30 mai 1999

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Date de dernière mise à jour : 30/12/2023

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