Manufacture

Des tapis multicolores pendaient dans un curieux hall au large ouvert sur la ruelle. Evelyne et Pascal commentaient, à voix basse, les dessins des tapis tous plus beaux les uns contre les autres. Le gérant était sur leurs talons, il finit par dire :
- Entrez mes amis ! Les Français sont toujours les bienvenus. Je vais vous faire visiter les ateliers.
A sa suite, ils s’engouffrèrent dans l’étroit escalier qui accédait à une pièce crasseuse.
- Voilà, attaqua-t-il (sans même présenter les deux fillettes affairées devant le gigantesque peigne). Nos laines sont soigneusement sélectionnées par des spécialistes. Nous nous, approvisionnons dans différents endroits de la médina.

Fleche citoyen

Agées d’une douzaine d’années, les fillettes continuaient leur ouvrage comme si de rien n’était.
- Elles ne sont pas à l’école ? demanda Evelyne.
- C’est congé… Elles travaillent sous la surveillance de leurs ainées, des femmes qui ont vingt ans d’expérience. Elles les recrutent, leur transmettent leur savoir, contrôlent le travail et les paient. Nous sommes une manufacture très sérieuse.
- Combien de jours travaillent les fillettes ? s’entêta Evelyne.
- Trois par semaine. Elles doivent aller à l’école. C’est obligatoire. Mais aujourd’hui, c’est congé… Voyez notre manufacture est sérieuse : derrière chaque tapis, il y a le label du Roi.
Le gérant se lança dans de grandes explications sur la technique et les traditions de tissage tout en les rapatriant vers le somptueux rez-de-chaussée.

 

Un battement de mains et un commis se précipita, une théière fumante à la main.
- Chez nous, tout commence par un thé. Prenez votre temps.
Deux autres commis déballèrent les tapis que commentait le maître. Ils eurent droit à une débauche : des grands, des petits, des larges, des moyens, des poils longs, des poils ras, tous coloris, toutes sortes de décorations ou dessins géométriques. Pour chacun, le commerçant expliquait le choix des teintes et la signification des motifs. Il n’omit pas de montrer la fameuse étiquette, garantie du Roi.
Pascal trouva l’un d’eux particulièrement intéressant. Evelyne prétendit que le précédent était mieux travailler et que les dessins étaient plus fins. Le gérant fit ramener le précédent. Et l'on compara.

 

Et les commentaires reprirent. Et les tapis défilèrent à nouveau. Ils étaient très jolis et très… chers. Certains dépassaient les dix mille francs.
- Sur un tapis comme ça, combien touche les fillettes ?
Evelyne n’obtint pas de réponse. A la place :
- Nous nous chargeons de l’expédition. Vous réglez à votre convenance : cash, à crédit, avec une carte bancaire, des chèques de banque ou de voyage, une traite… Vous avez vraiment le choix…
Le choix de repartir les mains vides, ce que firent Evelyne et Pascal.

 
 

Le 29 août 1998
(sur un texte de 1980)
(mise à jour le 31 mai 2019)

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Date de dernière mise à jour : 30/12/2023

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