Parapluies

Au bar, des permissionnaires manifestaient leur joie d’échapper, pour une courte durée,  au carcan militaire. Peter et Gerda choisirent une table isolée. Peu de temps après, une femme demanda l’autorisation de s’asseoir.
- Je dois faire manger quatre enfants, mon mari m’a quitté.
Une mendiante ? Pourtant, cette Espagnole était bien mise.
- Nous n’avons rien ! (coupa Peter).
- Je ne veux pas d’argent. Je veux que vous passiez des parapluies à la douane d’Algésiras.

 

Ceuta, lambeau du colonialisme espagnol au Maroc, était une zone franche. On y vendait des marchandises détaxées. Appareils photographiques, matériel radio ou Hi-fi, essence, passaient dans les cabas des touristes avisés ou des commerçants en quête de profit.

 

L’Espagnole leur demandait ni plus ni moins de se transformer en trafiquants ! Peter refusa vivement.
- La douane n’est pas sévère avec les touristes… Je ne vous donnerais que cinq parapluies, c’est autorisé… Pour mes enfants…
Toujours prête à rendre service, Gerda accepta. Résigné, Peter inscrivit le numéro d’immatriculation de sa Coccinelle sur un morceau de papier.
L’espagnole sollicita d’autres passagers.

 

Au débarquement du transbordeur à Algésiras, un policier espagnol reniflait les passeports. Puis, leurs compères gabelous se livrèrent à leur passe-temps favori : la fouille. Gerda était sereine, on aurait pu croire qu’elle avait fait cela toute sa vie. Un gros douanier le toisa. Peter blêmit, son cœur s’accéléra, sa gorge se noua. Les jambes flageolaient, des parapluies dansaient devant ses yeux.

 

Son attitude encouragea le gros gabelou qui propulsa plusieurs fois son gros chien dans la Coccinelle. Mais l’animal ne reniflait rien de suspect. Niant l’évidence, le gros gabelou invita la Coccinelle à grimper sur un pont élévateur. Des compères furent appelés à la rescousse. Châssis, habitacle, vide-poches, tout fut minutieusement inspecté. Les ailes avant démontées, celles de derrière frappées, le réservoir sondé, rien n’échappait à l’inspection.
Les gabelous cherchaient désespérément une explication au regard anxieux de Peter. Vaincus, ils remplacèrent la Coccinelle par un autre véhicule.

 

- Et s’il y avait eu de la drogue cachée dans les parapluies ? (pensa Peter tout haut en réalisant que c’était cela que les douaniers cherchaient).
- Tu allais en prison.
Parmi la foule venue attendre parents et amis ou touristes complaisants, presque à la sortie du port, près des grandes grilles, un Espagnol héla Peter et lui montra la liste où il avait inscrit le numéro d’immatriculation de la Coccinelle.

 
 

Le 18 janvier 1999
(sur un texte de 1981)

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Date de dernière mise à jour : 30/12/2023

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