Et il repleut, on baisse les bâches pour nous protéger un peu. Mais, l’eau s’infiltre quand même. Nos affaires sont trempées, nos sacs sont rouges. Nos vêtements sont trempés, nos habits sont rouges. Et, on saute, on saute toujours dans les trous. Des petits trous, des moyens trous, des grands trous, toujours des trous. Les grandes flaques masquent d’autres trous. Et le cul rebondit, les genoux cognent, les câbles fixées à l’extérieur des ridelles nous égratignent les mains. On se tape le cul ! Putain de bordel !
Le camion prend de la vitesse, la piste est un peu meilleure, il doit bien atteindre les cent. Les ridelles, les poteaux, le toit frétillent, dandinent, grincent, ballottent. On va se viander. Au secours, notre connard de motoriste est devenu fou ! Mais, non, rassure-toi, c’était comme ça hier, il roulait aussi vite. On est mort de peur, mais on prit l’habitude…
Tous font la gueule, moi en tête du peloton. Un petit coup de Pitú ? lance un gars de temps en temps. Pas aujourd’hui, je suis trop malade. Sur mon passeport, j’ai gratté la mention « pour la cachaça, je suis Brésilien ». Je l’ai remplacé par « Sur mon passeport, c’est marqué Français. Mais pour le casse-cul, je suis Brésilien ». La plaisanterie fait rire un court instant. On ne fera pas forró aujourd’hui, ou plutôt on ferra juste la fête des culs qui rebondissent au gré des trous.
Les craquements de la caisse étouffent les conversations, les rires, les lamentations.
Et le camion fonce, frein moteur, ralentisseur, coups de patin, le camion dérape, tombe dans une flaque, rebondit dans un trou, coup d’accélérateur, la course folle reprend. On se tape le cul, on en finira donc jamais ?