Tanneries

L’odeur nauséabonde annonça les tanneries.
Un ruisselet brun rougeâtre et nauséabond paressait entre des peaux, débarrassées de leurs poils, empilées dans le couloir. Ça sentait la décomposition, ça puait la mort. Attaché à proximité, même l’âne qui devait être accoutumé à cette fétidité, renâclait sans cesse. Ses narines retroussées marquaient son dégoût. Les touristes qu’ils croisèrent sur le sentier menant à la terrasse panoramique, atténuaient les méfaits odorants en reniflant des feuilles de menthe.

Le cauchemar atteint son summum à la tannerie elle-même, pourtant à ciel ouvert. Des hommes et des adolescents, habillés de peaux de bête pataugeaient dans des cuves de briques que remplissait un tanin glauque, brunâtre ou rougeâtre. Leurs jambes nues jusqu’aux genoux se coloraient de l’infect liquide. Du perchoir, les alvéoles ressemblaient à une ruche. Là, les peaux trempaient dans un immense tambour. Ailleurs, elles pendaient aux murs, autrefois blancs, des maisons basses. Plus loin aux parois des grands bassins. Le moindre espace libre était utilisé comme séchoir.

Encore bouleversés par ce triste spectacle, ils donnèrent la pièce au gardien. Ils n’entendirent même pas : « C’est nous qui faisons le boulot ! »
A la sortie, ils s’épouvantèrent :
- Je ne travaillerais pas là-dedans !
- Moi, non plus, approuva leur jeune guide. Mais eux n’ont pas le choix. Et, pourtant, les touristes les visitent comme ils visitent le zoo.

Le 4 février 1999
(sur un texte de 1984)
(mise à jour le 31 mai 2019)

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