Le gros commerçant

C’na tem po Tojos !

- Alors, mon ami, vous avez cru voir le Kaiser ?
Il se releva péniblement, s’assit.
- Alors, mon ami, vous avez cru voir le Kaiser ? (répéta la voix).
C’était bien le Capitaine, son Capitaine ! Celui-ci fondit en excuses et demanda mille fois pardon. Son unité avait été mutée à Lunéville et, durant un mois, il n’avait pas eu de permission. Mais, maintenant, les tracas de l’Eugène étaient terminés. Le Capitaine s’était trouvé par hasard près de la manifestation, il avait tout de suite repéré l’Eugène sans connaissance, allongé sur le trottoir. Le Capitaine désapprouvait ce genre de manifestations, mais il n’en dit pas plus et ne reprocha rien à l’Eugène.
Parlons des jeunes filles qui accompagnaient le Capitaine. L’une d'elle était sa fiancée, l’Eugène la connaissait déjà. L’autre était sa dame de compagnie. Elle se nommait Léonie. Toutes deux étaient de bonne éducation, assurément. Cela se voyait à leurs vêtements, cela s’entendait à leur langage, cela se sentait à leur parfum. La Léonie avait le cœur libre, ce fut elle qui se préoccupa le plus de l’Eugène. Pourtant, il était loin d’être dans son meilleur élément.

 

Le Capitaine avait loué une chambre dans un hôtel pour son ami. Il l’avait habillé dans un de ces magasins à la mode rue Saint-Jean. Il l’avait accompagné chez le barbier. La Léonie venait le voir dès neuf heures du matin. Parfois, le Capitaine et sa fiancée l’accompagnaient. Souvent, elle était seule. Ainsi, l’Eugène et la Léonie flânaient dans Nancy. Souvent, l’Eugène évitait ses anciens camarades de misère…

 

Bref, une semaine plus tard, le Capitaine présentait un jeune homme tout pimpant à un riche commerçant. L’homme était gras. Son négoce en monuments funéraires était installé près du cimetière de l’Est. Même dans son magasin, il se pavanait en redingote et en chapeau haut-de-forme, du moins ce jour-là. Son gros cigare à la bouche, il toisa l’Eugène et le jaugea comme s’il l’achetait au marché à esclaves. Encore un qui n’aimait pas les Lorrains, pensa l’Eugène. Il esquissa un geste : celui de tourner les talons et de partir. Mais, le Capitaine lui donna un coup de coude.
De ses yeux vicieux, le gros commerçant surveillait les vendeurs. Ainsi, par deux fois, il interrompit l’entretien pour réprimander un vendeur qui ne faisait pas ce qui devait être fait. Heureusement que l’Eugène était présenté par le Capitaine, un homme de bonne famille, dont le père avait fait quelques affaires avec lui...

 

- Pourquoi tu ne retournes pas dans ton village ?
Le Capitaine dit que son ami ne voulait pas devenir Prussien. Il prétendit que leurs familles étaient liées depuis des lustres, que... Le Capitaine était un fieffé menteur. Ce n’est certainement pas l’Eugène qui s’en plaindrait.
- La vie ne sera pas facile au magasin. J’aime les gens qui travaillent, pas les fainéants. Tu loges où ?
- A... A... l’hôtel m’sieur.
- Nous avons une chambre là-haut (dit le gros commerçant en montrant le toit du magasin). Tu logeras là. Va chercher tes affaires. Tu commences demain matin à sept heures !
Penses voir, un homme de sa qualité ne pouvait être venu avec son baluchon sur le dos. Baluchon qu’il n'avait même plus... Ce fut le Capitaine qui en eut l’idée. En chemin, il acheta deux sacs en cuir. Il les tritura pour les rendre un tant soit peu vieillot, les bourra de... papiers et de cartons divers. Le commerçant n’irait pas regarder de près les affaires de l’Eugène.

 

L’idylle entre l’Eugène et la Léonie allait bon train. Pourtant, leur liaison restait secrète. C’est que Louise, la fille du commerçant, était veuve. C’est que Louise avait jeté son dévolu sur l’Eugène. Elle avait huit ans de plus, elle n’était guère belle... Et, pourtant, ils se fréquentèrent et... finirent par se marier.

 
 
 

 

Retrouvailles entre l'Eugène et ses parents
présentation de sa future épouse

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La suite

 

Les années de paix

 

 

 

 

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Date de dernière mise à jour : 10/11/2023

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