C’ateût po Tojos !

C’na tem po Tojos !

Un beau jour, le baluchon sur l’épaule, un jeune homme passa la porte du magasin comme un volcan. Il bouscula les vendeurs qui, pourtant, le saluaient respectueusement. Il fonça vers le grand comptoir. Là, un homme habillé comme il fallait mangeait une banane :
- Louis ! (s’étrangla l’Eugène). Louis ! Qu’est-ce que tu fais là ?
Il engloutit sa banane d’une bouchée.
- J’ai fait comme vous, mon oncle.
- Comme moi... (bafouilla l’Eugène).
- Eh oui ! Mon oncle, je vais faire la guerre du côté des Français.
L’oncle interrompit les retrouvailles pour réprimander un vendeur qui ne faisait pas ce qui devait être fait. Puis, il reprit comme si de rien n'était :
- Et tes parents, Louis. Tu y as pensé ?
- Et vous, mon oncle, vous avez pensé à vos parents lorsque vous avez passé la Seille ?
L’Eugène pressa son neveu contre lui. Des larmes roulèrent sur ses joues.
Dès le lendemain, l’Eugène accompagna son neveu à l’État-major de Nancy. Son ami de longue date, le Capitaine de cavalerie, y avait été muté et élevé au grade de commandant. Aussitôt, ce dernier proposa de prendre le Louis à son service.
- Je veux combattre (refusa tout net le Louis).
On ne voulait pas de Lorrains « allemands » sur le front. Alors, le Commandant fit une lettre de recommandation pour un colonel de Zouaves basé en Afrique du Nord.

 

Et voilà que le 10 août 1914, le Commandant déboula comme une furie dans le magasin.
- Le Louis a été tué (trembla l’Eugène).
- Mais non ! Mais, non ! Ton Louis va bien, il est en Tunisie... Foch est à Château-Salins...
- Foch... Château-Salins...
Le pauvre Eugène ne comprenait rien.
- Foch a libéré Château-Salins ce matin même !
- Château libéré... (balbutia l’Eugène). C’n’ateût tem po Tojos !
C’était le moment qu’il attendait depuis toujours ou presque. Il n’hésita pas un seul instant. Il irait se recueillir sur la tombe de ses parents. Il allait embrasser ses sœurs. Il allait revoir ses neveux et nièces. Il retrouverait ses amis... Il ordonna au chauffeur de préparer l’automobile. Il pressa la Léonie, sa gouvernante, de préparer les malles contenant des affaires pour une semaine...
- Pour trois semaines (se ravisa-t-il).
Le Commandant tempéra son enthousiasme :
- Il faut un laissez-passer et les routes sont encombrées par les troupes. Attends une semaine ou deux.
Trois jours plus tard, le Commandant était de retour... chagriné : les Français s’étaient vaillamment battus. Mais, devant Morhange... C’était la débâcle, la retraite dans le désordre... les Français avaient repassé la Seille. Les Allemands marchaient sur Nancy...

 

Enfin, le 17 Novembre 1918, les Français réinvestissaient la Lorraine. Dans les pas de la Division marocaine, l’Eugène sera parmi les premiers exilés à venir embrasser ses sœurs, nièces, neveux... Il se recueillera sur la tombe de ses parents...
Même après le décès de sa femme Louise, il retrouvera régulièrement la Villa des Roses en compagnie de la Léonie, restée sa… gouvernante. C'est d'ailleurs là qu'il finira sa vie...
C’ateût po Tojos !

 

Le 26 août 2005
Mise à jour le 15/03/2020

 
 

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Date de dernière mise à jour : 10/11/2023

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