Le départ

C’na tem po Tojos ! (Migrants d’hier)

C’était l’époque où notre Château devenait prussien. L’Eugène ne ferait pas son service militaire chez les casques à pointe. Il savait ce qu’il risquait... L’ancienne capitale de la Lorraine, l’ancien chef-lieu de la Meurthe le fascinait.
- Te connais personne à Nânci !
- T’inquiète môman. Entre Lorrains, on s’entraide. Surtout aujourd’hui.
- On peut habiter Château-Salins et rester Français dans son cœur (tenta son père).

 

Quelques mois plus tard, l’étreinte s’était un peu desserrée. Les Feldgendarmes remplaçaient les militaires. Justement, la patrouille venait de passer devant la Villa des Roses. Le claquement des sabots sur le sol sec s’éloignait.
- Reviendront pas avant deux ou trois heures (affirma le père qui notait les passages).
L’Eugène se pencha sur le petit lit. Sentant sa présence, la Maria ouvrit les yeux et lui décocha un large sourire. L’Eugène prit sa petite sœur dans les bras et l’embrassa. Plus âgée, la Marie était encore debout. Des larmes roulèrent sur ses joues. Des larmes roulèrent sur les joues de sa mère. Il les pressa dans ses bras, les embrassa longuement.
- C’na tem po Tojos !
- Oui, père, ce n'est pas pour toujours !
Père et fils tombèrent dans les bras l’un de l'autre. L’un comme l’autre firent semblant de ne pas voir les yeux embués de l’autre.

 

L’Eugène emportait le strict nécessaire. D’un geste vif, il bascula son baluchon sur l’épaule, embrassa une dernière fois sa famille comme s’il ne la reverrait plus.
- File, vite !
La nuit était noire, sans lune. Heureusement, ils habitaient en lisière de la ville. Bien sûr, il ne passerait pas par le chemin traditionnel. Il suivrait celui du Salonnes et éviterait la ferme par un détour. A Salonnes, une connaissance l’aiderait à traverser la Seille. Une fois en France, il marcherait jusqu’à Moncel où, au petit matin, il prendrait l’omnibus.
A la fin de la matinée suivante, l’Eugène mettait les pieds sur le quai de Nancy. Aussitôt, un enfant sur les bras, une femme lui demanda l’aumône. La femme ne parlait que quelques mots de français. Elle lui dit venir d’Alsace. Elle fuyait la Prusse... comme lui. Sans plus réfléchir, l’Eugène vida sa bourse des quelques sous qu’elle contenait.

 

Aucun casque à pointe à l’horizon. Quel joli pays ! La gare était encombrée de voyageurs en attente et de badauds. Sa joie fut gâchée par la rencontre suivante. Il se lia avec l’homme, un Messin de son âge. Lui voulait partir aux colonies :
- En Algérie, aux Antilles, au Sénégal. N’importe où ! En tous cas, loin de ce maudit pays.
L’Eugène voulait rester sur sa terre natale.
- J’te souhaite bien du plaisir (ricana le Messin). Ça fait quat’ mois que je cherche du travail. A Nânci, à Toul, à Lunéville... J’en ai marre. On ne veut pas de Prussiens ici !
- Nous sommes autant Français qu’eux ! Nous sommes Lorrains comme eux... (s’étrangla l’Eugène).
La discussion se termina par une dispute. Le Messin s’entêtait dans son discours méprisant sur la France. L’Eugène faillit le frapper.

 
 

 

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Date de dernière mise à jour : 09/11/2023

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