L’Eugène emportait le strict nécessaire. D’un geste vif, il bascula son baluchon sur l’épaule, embrassa une dernière fois sa famille comme s’il ne la reverrait plus.
- File, vite !
La nuit était noire, sans lune. Heureusement, ils habitaient en lisière de la ville. Bien sûr, il ne passerait pas par le chemin traditionnel. Il suivrait celui du Salonnes et éviterait la ferme par un détour. A Salonnes, une connaissance l’aiderait à traverser la Seille. Une fois en France, il marcherait jusqu’à Moncel où, au petit matin, il prendrait l’omnibus.
A la fin de la matinée suivante, l’Eugène mettait les pieds sur le quai de Nancy. Aussitôt, un enfant sur les bras, une femme lui demanda l’aumône. La femme ne parlait que quelques mots de français. Elle lui dit venir d’Alsace. Elle fuyait la Prusse... comme lui. Sans plus réfléchir, l’Eugène vida sa bourse des quelques sous qu’elle contenait.