La Bibliothèque do Dan

Tu veux un camembert ?

 

La vive douleur lui arracha un juron. Une de ces maudites ronces venait de lacérer jeans et viande. Un lambeau sanglant pendouillait sur la toile. C’était à croire que cette nature hostile le dépeçait. Affolé, il fonça la tête baissée. Les branches nues d’un arbrisseau le giflèrent. Instinctivement, il avait fermé les yeux. Il s’en tira avec une éraflure sur la paupière. Etouffant un juron, il détala de plus belle.
Que fuyait-il ?  Seule certitude, échapper à ce qui l’entourait. Partout, ce n’était que pans de murs éboulés, pitons fendus et bastions éventrés. Le puissant souffle avait bousculé immeubles et tours. La végétation, une végétation délirante s’était emparée des ruines.
- Tac ! Tac ! Tac !
Les détonations percutaient les façades rocheuses, rebondissaient pour venir frapper ses tympans.

 

Il suivait cette sente depuis près de deux heures. Vers quel nouveau danger le menait-elle ? Il courait. Sûr qu’elle lui permettrait d’échapper à cette vision chaotique. Un profond aven l’arrêta net. Cinquante mètres de falaises abrupte dégringolaient vers les entrailles de la terre. Buissons, arbustes, massifs de mûres et rochers l’empêchaient de contourner l’obstacle. Pourtant, la crevasse n’était pas large. Deux mètres à peine. Il restait paralysé sur la rive.
La délivrance était là, toute proche.
- Tac ! Tac ! Tac !
L’arme automatique résonna juste derrière lui. D’un bond agile, il sauta. Il se réceptionna mal. Manquant de chuter, il rétablit son équilibre juste à temps.

 

Il reprit sa course. Une ronce le happa. Un lambeau de maillot resta accroché aux piquants. Une ouverture béante se découpait dans un rocher. Il entra lentement, sur ses gardes. La flamme jaillit de son briquet. La lueur ne parvenait même pas à la voûte. A tâtons, en aveugle, il progressa lentement. Un filet d’eau se faufilait. Il le suivit.
Sur le bord de la rivière, un commerçant ambulant vendait des fruits. Il acheta de juteuses pêches. Les roseaux dépassaient sa taille. Les cigalons donnaient un récital de première qualité imprégnant ce cadre champêtre d’une note typiquement méridionale.

 

Un haut rempart de pierres grises, coupé de tours rondes, surmontés de toit pointu, lui barra le passage. Il passa le pont-levis en bois, buta contre une solide grille. Le chemin de ronde pavé de grosses dalles se faufilait entre les deux murailles surmontées de créneaux et de tours de guet. Un bruit sourd de sabots frappant le sol parvint, des cliquetis de ferraille résonnèrent. Du coin de la rue surgit un chevalier revêtu de son armure. Enfin, il trouva une autre porte, celle-là ouverte. Un nouveau pont en bois fut franchi.
La grande cour servait de cadre au festival d’art dramatique. Des scènes et des rangées de sièges avaient été installées en prévision des festivités. Afin de lui prouver la bonne sonorité des lieux, le guide prit un malin plaisir à gueuler ses explications. Grau Garriger exposait ses tapisseries de style moderne dans le hall de d’entrée du grand building en verre. L’artiste avait traité toutes sortes de sujets en confectionnant ses œuvres avec des cordes.

 

La cité était sillonnée par un labyrinthe de voies tortueuses, grossièrement pavées. Sur les façades des boutiques, des enseignes vieillottes. De pittoresques lanternes diffusaient une lumière blafarde. Sur une placette, un puits et son petit seau. Il puisa… un camembert.

Le 13 mai 2002

 
 
 

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Date de dernière mise à jour : 13/08/2024

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