La Bibliothèque do Dan

Un coin de Paradis

 
 

Natacha et Cédric avaient pris place à l’arrière de la bâchée. La palmeraie commençait quelque cent mètres plus loin. Un long braiment monta de la « forêt » de palmes. A une sorte de piscine peu profonde et en plein air :
- L’eau arrive ici, dit Taïeb en les invitant à descendre.
Les motopompes des puits de la grande rue puisaient la nappe phréatique à une cinquantaine de mètres de profondeur. Des canalisations souterraines alimentaient la mare.
A la suite de Taïeb, ils dévalèrent le petit raidillon. « Un peigne », le barrage de pisé, haut de cinquante centimètres sur un mètre de large, retenait l’eau. Une vingtaine d’orifices rectangulaires à sa base, tous du même gabarit, étaient prolongés par autant de minuscules canaux d’argile.

 

Le peigne faisait un premier tri. Plus loin, d’autres peignes divisaient encore l’eau. Les canalisations fuyaient vers les potagers où s’épanouissaient oignons, pommes de terre, fèves, courgettes, navets, carottes, lentilles, courges, pastèques, menthe odorante, à l’abri des pêchers, figuiers, orangers…
« C’est l’autoroute » rigola Taieb. Un réseau inextricable s’entrecroisait. Aux carrefours, une canalisation s’enfonçait sous terre, l’autre passait par-dessus.
- Des spécialistes sont venus d’Europe. Ils ont prouvé par des calculs que chaque jardin recevait la même quantité d’eau. Personne n’était lésé. Tu retrouves le même schéma de distribution partout. Dans la palmeraie de Ghardaïa, celle de Timimoun, Taghit.

 

Les grands palmiers étendaient leurs majestueux parapluies de feuillages dentelés, laissaient pendre des grappes de fruits. Certains étaient à portée de main. Au passage, Taieb cueillit quelques dattes. Elles fondaient dans la bouche. Certaines variétés étaient fades et farineuses, mais lorsqu’ils tombaient sur de délicieuses, ils n’arrivaient plus à se détacher de la grappe.
C’était aussi le temps des oranges et des mandarines. Un peu de jus coula sur les mentons. Les mandarines avaient l’apparence d’un fruit confit qui faisait saliver rien qu’en le voyant. Les petits citrons ronds, d’un jaune verdâtre, laissaient un petit goût amer.

 

Une plantation de légumes abritée par des oliviers succédait. L’endroit était joli, agréable. Vaste havre de paix odorant, la palmeraie reposait. Un long tronc d’arbre émergeait du faîte des palmiers. Il était arrimé au sommet d’une double colonne de pisé rouge.
- Un puits à balancier, pavoisa Natacha pour montrer qu’elle connaissait quelque chose au désert.
- Ils sont ensablés. Dans le temps, ils permettaient d’avoir un appoint d’eau. Aujourd’hui, nous avons les motopompes.
Un petit peigne divisait une canalisation en trois ruisselets. Un âne lança son long cri. Une nuée d’oiseaux s’envola d’un verger clôturé de haies de palmes sèches et jaunies.

 

C’était aussi l’époque des grenades, ces fruits ronds, gros comme une orange. L’intérieur était compartimenté en groupes par de fines peaux jaunes et amères. Une multitude de grains étaient gorgés de jus et gros comme une goutte d’eau. Un pépin en occupait le centre.
Attaché à l’ombre d’un palmier, un âne savourait l’herbe bien verte d’un petit verger. Son maître lui avait apporté un seau d’eau. Natacha ne put s’empêcher de lui puiser de l’eau fraîche et de le caresser.
Un paysan s’approcha et discuta en arabe avec Taieb. Il cueillit quelques abricots, les offrit aux Français et les invita, d’un signe, à se servir. La chair du fruit était chaude et succulente. Un joli scarabée leur remémora que le Sahara était habité par une multitude de petits animaux.
Ils reprirent place dans la bâchée.

 

L’ancienne forteresse qui protégeait, autrefois, les habitations des paysans n’étaient plus aujourd’hui qu’une ruine. C’était le fameux œil ocre de l’écran de verdure que Cédric et Natacha avaient découvert du plateau en arrivant sur l’oasis. D’un entassement confus et désordonné de blocs et de tas de sable, émergeaient des semblants de murs. Des trous béants laissaient entrevoir les pièces. Ils fouinèrent pendant une demi-heure, repérant les anciennes maisons, les couloirs éboulés et les ruelles de ce ksar abandonné à la moitié du siècle. A causé du tarissement de l’eau, ses habitants avaient émigré au nouveau ksar.

 

Taieb s’arrêta le long d’un gros canal d’irrigation.
- Maintenant, vous allez voir une merveille. Surtout ne faites pas de bruit. Suivez-moi.
Taieb glissa parmi des roseaux atteignant leur taille. Un concert de coassement perlé de cris d’oiseaux annonçait un étang. Des centaines de nénuphars étaient perlés de fleurs mauves aux larges pétales. Beaucoup hébergeaient une grenouille. Ça sautait dans tous les sens, ça plongeait, ça émergeait, ça nageait.
- Super !
- Chut. Regarde là-bas !
Du plan d’eau s’échappait un ruisseau bordé de végétation et...
- Oh, des chevaux ! s’exclama Cédric. Ça c’est incroyable, des chevaux en plein désert et tous ces oiseaux.
- Là, avec des grandes pattes, un héron ! renchérit Natacha. Et des cigognes !
- Et les corbeaux, vise comme ils sont gros !
Le ruisseau s’enlisait. Son tracé restait marqué par une végétation luxuriante, herbes, roseaux, arbustes, arbres. Le déclenchement de l’appareil photos provoqua une envolée bruyante. Corbeaux, cigognes et autres décrivaient de larges cercles dans le ciel.
Et ils remontèrent en bâchée.

Le 10 février 2001

 

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Date de dernière mise à jour : 14/01/2025

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