Ah ! avant la guerre...

Le Château des Anciens

Balle Château anciens
 

Quel hiver ! Ce mois de janvier avait été glacial. Le pauvre nonôn Auguste ne savait plus à quel saint se vouer. Il avait tellement rêvé à ces rigoureux hivers de notre Lorraine. Aujourd’hui, il les détestait. Il en venait à regretter la douceur d’Albi.
Heureusement, cela avait l’air de vouloir se radoucir. Pour sûr, il rendrait visite à la Maria comme il l’avait promit à sa nièce Luluce lorsqu’elle lui avait apporté son repas. Pourquoi avait-il fallu qu’elles déménagent si loin.
Ah ! Avant la guerre...

 

Dix-sept ans que sa Marie était décédée...
Fini de faire le suisse à l’église. Le père Jochem l’avait remplacé…
Ses vignes, sa houblonnière, son verger... tout était vendu.
Seul le jardin autour de sa maison lui permettait de s’occuper et de rester en forme... Il passa la main sur sa barbe grise… Même elle, subissait l’érosion des années.
Ah ! Avant la guerre...

 

Dès son repas avalé, le nonôn Auguste se mit en route...
- Non Milou, tu n’dois pas faire ça !
- Tu crois qu’il me fait peur le Rital ?
- C’est pas ça grôs, on est entre ouvriers... Tonio est comme nous…
- Moi, j’ai fait la guerre ! Et pas du côté des Boches comme eux...
Deux jeunes ouvriers se chamaillaient devant la menuiserie Bernard. Le nonôn Auguste les salua. Ils étaient tellement absorbés par leur discussion qu’aucun ne lui répondit.

 

Il tourna l’angle et passa devant la maison de la Maria. Un tas de ruines ou presque, voilà ce qu’il en restait... Après le pensionnat Sainte-Marie, le garage du Camil'...
- Alôre, le Camil', on bosse dur ?
L’homme sortit la tête de dessous le capot d’un vieux Renault :
- L’ouvrage n’manque pas, nonôn Auguste.
Depuis qu’ils étaient partis en exil, ou plutôt depuis que sa petite nièce avait épousé le neveu du Camil', celui-ci appelait « nonôn Auguste » celui à qui il donnait autrefois du « Monsieur ».
- Ça fait plusse de deux semaines que j’étais pas sorti...
- Faut dire qu'avec le temps qu’on a eu... Mais, j’vais pas me plaindre. Avec le froid, les mécaniques ont besoin de moi, rigola le Camil'.
Ils discutèrent un petit moment de choses et d'autres.

 

Le qwâroye terminé, le nonôn Auguste reprit sa marche.
Les derniers quinze mètres furent bien éprouvants. Pourtant la montée n’était guère longue. Le nonôn Auguste en avait plein les pattes. Il lâcha un nouvel : « Ah ! Avant la guerre... ».

 

Arrivé chez sa belle-sœur, le nonôn Auguste eut la surprise d’y trouver ses deux petites-nièces, leur mère, ses arrières petits-neveux et son arrière petite-nièce. La Luluce avait eu le temps de battre le rappel.
Sa boutique, plutôt son atelier fermé, elle s’apprêtait à faire les vaûtes... Drôles d’idée pour un anniversaire pensa-t-il...
- C'est moi qui ait dit à la tante Luluce de faire des vaûtes ! pavoisa le Dédé comme s’il avait comprit l’étonnement de son arrière grand-oncle. T’aimes les vaûtes, nonôn ? Moi, je les aime, miam, miam... J’vais tout manger.
Bien sûr que le nonôn Auguste aimait les vaûtes. Et son œil brilla en apercevant la bouteille de mirabelle que la Berthe avait tirée de sa cave.

 

le 6 août 2014

 

 

 

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Date de dernière mise à jour : 02/01/2024

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