Changement de tête

 

- La cravate, ça va ?
- Wui, papâ, elle te va très bien, le rassura l’Oda.
- Et la veste ?
- Très bien papâ, t’es beau comme un pape !
Arriva la mère de l’Oda, une brosse à habits dans la main. Elle entreprit le brossage méthodique du costume. Penses-voir, son mari allait être au premier plan. Pour l’occasion, on avait convié des journalistes de Metz et de Nancy. Penses-voir, il allait être dans le journal.

Ball2

Une dernière inspection, tout était en ordre.
- Tu n’mets pas ton pardessus ?
- Berthe, il fait doux…
- Et ton chapeau ?
Mais non, l’Henri ne voulait ni pardessus, ni chapeau. L’Henri tira la porte coulissante, descendit l’escalier… Aussitôt, l’Oda et sa mère se précipitèrent vers l’une des fenêtres qui donnait sur la rue.

 

Conduit par le secrétaire monsieur Doyen, la dizaine d’employés de la Sous-préfecture étaient rassemblés au pied des marches. Et voici le Maire, monsieur Wagner, et son secrétaire, monsieur Champlon… Le percepteur, le capitaine de la gendarmerie, celui des pompiers, tous les représentants de l’administration locale, le notaire, le docteur Rivard, le curé Chevreux…
Le Guézète était là avec son appareil. Pour l’heure, il discutait avec trois hommes. Les fameux journalistes qui venaient de Nancy et de Metz pour couvrir l’évènement.

 

Une Traction noire arriva…
- Le voilà ! s’écria la mère de l’Oda en retenant sa respiration.
Mais non, c’était le Jules Thiriet, le député.

 

Une autre Traction noire…
Il commençait à avoir du monde en bas. Not’ sergent de ville, le Fanfan, avait bien du mal à canaliser la circulation. Deux gendarmes lui prêtèrent main-forte. Des badauds s’étaient même installés sur le trottoir d’en face.
La traction s’arrêta, monsieur Doyen s’avança, le Maire à sa suite… La portière s’ouvrit. Les journalistes se précipitèrent, le Guézète sur leurs talons. C’est qu’il ne voulait pas en rater une.
- C’est lui ! s’excita la mère de l’Oda.
- Mais, non, c’est l’administrateur, Monsieur Béna…
- J’aurai bien aimé voir comment ils ont refait l’hôtel du Sous-préfet. Mais, ton père n’a pas voulu…
Depuis une quinzaine de jours les ouvriers avaient remballé leurs outils. Avant-hier un camion avait amené de quoi meubler l’hôtel…
- Moi, j’y ai été… Le Nano m’a fait visiter. C’est beau !

 

Une nouvelle Traction noire approchait…
Sergent de ville et gendarmes firent remonter la foule sur le trottoir. L’administrateur et le Secrétaire s’avancèrent. Maire, député et autres se disputaient la place au premier rang. Où était passé son père ? L’Oda scruta la foule. Là ! Il conversait avec une collègue…
- Regarde ! C’est lui !
- J’vois môman…
L’homme venait de Sarreguemines. Il y avait assuré l’intérim pendant la maladie du Sous-préfet de là-haut. L’homme s’appelait Paul Chrétien, « un homme bien » avait précisé son père.

 

La mère de l’Oda se retira vivement de la fenêtre.
- Oda, rentre, il va te voir…
- Et alôre ? I va pas m’manger.
Au pied des marches le nouveau Sous-préfet admirait le bâtiment. Il hocha la tête et tout ce beau monde monta les marches et entra. Enfin, je veux dire les notables.
Le Sous-préfet visitait le bâtiment.
- J’espère qu’ils vont pas tous venir ici ! grommela la mère de l’Oda.
Certes, le Sous-préfet vint saluer l’épouse et la fille de son huissier. Mais, il vint bien après la réception, en fin d’après-midi et seulement accompagner du père de l’Oda. Dans les photos des journaux, on n’apercevait même pas le père de l’Oda.

 
 

le 1er avril 2016

 

 

Retour Accueil
Galerie Humour

 

Consulter Notre Petit Dictionnaire

Adresse daniel

Date de dernière mise à jour : 02/01/2024

Questions / Réponses

Aucune question. Soyez le premier à poser une question.
2 votes. Moyenne 4.5 sur 5.

Ajouter un commentaire