Souvenirs de guerre

On peut dire que notre génération, celles et ceux nés après la guerre de 1939-45, a été fortement baignée par cette guerre. D’abord parce que nos parents l’avaient profondément ancrée dans leur mémoire et, ensuite, parce que nombre de films traitaient du sujet.
Dans notre imaginaire, les Allemands étaient les méchants et nombre de nos jeux tournaient autour cette thématique. Par extension, les Japonais devenaient nos ennemis.
D’un autre côté, ma sœur aînée était une sorte de chef de bande. A la maison, elle organisait « l’école sauvage » pour ses plus jeunes sœurs et frères. Dans la rue, c’était la chef qui entraînait les gamines et gamins dans la chasse…

 

Faut dire qu’elle débordait d’imagination…

 

C’est ainsi qu’elle remarqua qu’un jeune homme perturbait notre paisible quartier. Pour sûr, il n’était pas venu chez nous par hasard. Ça faisait quoi, disons deux ou trois mois qu’il avait emménagé au rez-de-chaussée de l’immeuble vis-à-vis. Très facile pour le surveiller.
Cet homme fort bizarre avait le type asiatique. Bref, c’était entendu, il s’agissait d’un espion japonais. Il paraissait vraiment suspect. Oui, oui. Ne rigole pas, c’est la pure vérité !
C’est que la semaine précédente, nous avions vu au cinéma « Les 39 Marches ».
Même si cet homme n’avait pas de landau, sûr, il prenait des notes pour les transmettre à l’empereur du Japon dès son retour chez lui… La fameuse organisation qui menaçait le monde était là, entre nos mains, nous n’avions plus qu’à la démasquer !
Dès qu’il mettait les pieds dehors, cinq ou six mômes le prenaient en filature. Et l’espion se comportait d’une façon si bizarre… Il était sur ses gardes, regardait partout.

 

Il traînait de rue en rue… Revenait en arrière, empruntait même plusieurs fois la même rue. Et encore, et encore.
Le plus dur pour nous, c’était de ne pas se faire repérer. En s’appuyant sur le film, ma sœur nous orientait sur ce qu’il fallait faire ou ne pas faire… Si l’un d’entre nous devenait trop imprudent, elle le sermonnait vertement.
Parfois, il s’adressait à un passant. Enfin, disons plutôt à une passante. De plus est, à une jeune fille de son âge. Sans aucun doute, la pauvre jeune fille était une proie facile. Il arrivait même qu’il fasse un bout de chemin avec elle…

 

Je ne pourrais affirmer, si aujourd’hui, ce brave jeune homme, fils d’un légionnaire fraîchement en retraite et d’une Indochinoise, a pu trouver l’amour de sa vie. Je souhaite qu’il nous pardonne notre acharnement à perturber sa vie amoureuse…

le 23 janvier 2008

 

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Date de dernière mise à jour : 14/07/2024

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