Séné, Séné, Sénégal...

Peintre naïf

Une fillette sautille de table en table. Ah, oui, elle est bien courageuse avec sa jambe atrophiée qui racle le plancher. Mais… Mais, elle s’empare de ton poignet ! Elle essaie de te lier un bracelet… Tu refuses, tu te débats.
Elle te passe la main dans les cheveux en psalmodiant des paroles mystérieuses. Tu te laisses attendrir ? Tu ne peux pas lui résister ? Tends ton poignet, laisse-toi faire. C’est le lembraça do senhor de Bonfim da Bahia.
Donne-lui 10, 20, 30 CzS, ce que tu veux. Ce n’est pas grand-chose pour toi, mais cela lui permettra de manger. Oh, bien sûr, ce n’est pas toi qui changeras quoi que soit à la misère du Monde. Mais, en sortant tes misérables billets, tu soulageras ton cœur qui se fend… sur le moment. Ce qui ne t’empêchera pas de reprendre un verre et d’aller te taper un bon repas plus tard.

 

Fais un vœu lorsque la fillette t’accroche le bracelet au poignet. Il se réalisera lorsque le bracelet se cassera de lui-même. Tu n’y crois pas ? Regarde la fillette, elle est heureuse. Elle te décoche un large sourire et repart en sautillant vers une autre table. Ce n’était pas ça ton vœu ?

 

Tiens là, le bistrot de l’autre côté de la rue, sur la gauche… C’est ici, avant-hier, que tu avais bu cet alcool à base d’herbes bizarres. Plutôt dégueulasse, mais bon pour l’estomac avait affirmé la tenancière.

 

Un gars te hèle depuis la rue. Tu le reconnais ?
Une trentaine d’années, une petite barbichette en pointe, des cheveux bien taillés coiffés par son traditionnel chapeau noir, les jeans bien propres, la chemise à rayures rouges soigneusement repassée, son petit sac à dos en nylon…
Ce gars t’appelle par ton prénom. Enfin ? Ma parole, ta mémoire défaille.
Ça y est, tu le remets. Evidement, tu avais marchandé sa visite guidée de la cathédrale. C’est Josué, bien sûr ! Sa connaissance du français n’est pas approfondie. Mais, reconnait qu’il parle mieux le français que toi le portugais, même s’il a recours à des mots portugais pour boucher les trous. Cela suffit largement pour discuter. Chacune de ses phrases sont ponctuée par « Tu entends ? » qui est la transposition du « Entendo ? » qu’utilisent toutes les trente secondes les Brésiliens.
Josué est peintre, un peintre naïf comme il aime le proclamer. Il ne fait guide que pour se payer le voyage à… Paris. C’est là-bas qu’il voudrait exprimer son art.

 

« Exodus… », Bob Marley s’empare du lieu. L’autre centre d’intérêt de ce boui-boui fantastique, c’est sa batida de cocó. Très, très, très bonne ! Cachaça additionnée d’àgua de cocó, cet alcool de canne à sucre additionné d’eau de noix de coco.

 

Ah ! La peinture naïve. Josué avait été intarissable lors de votre première rencontre.
Ces tableaux naïfs laissent croire qu’ils ont été peints par un enfant ou par un adulte qui aurait refréné son imagination. Au premier abord, ces couleurs trop vives t’avais choqué, trop agressives. Bien organisé, bien  structuré, les contours étaient nets, saillants. S’il existait chez certains une profondeur de champ, les reliefs étaient gommés, sans ombre, les visages sans jeu de lumière et sans expression.
Et, pourtant, en moins d’une demi-heure Josué avait bouleversé ta façon de regarder ces tableaux. A travers son art, il t’avait fait sentir toute l’influence de l’Afrique sur sa façon de vivre et penser…

 

Tu lui donnes de tes nouvelles, lui te donne des siennes. Elles sont bonnes. Autrement dit, son pécule pour Paris grossit. Pas assez vite, regrette-t-il. Mais, il garde bon espoir, « d’ici six ou sept mois… ». Tu l’invites à boire une batida de « coco ». Malheureusement, Josué a une affaire urgente à régler. Ce sera pour une autre fois.
La batida de cocó, tout simplement étourdissant ! Cocó prend un accent sur le « o », parce que coco sans accent signifie… caca. Alors, fais un effort sur la prononciation, à moins que tu ne veuilles faire rire tes amis Brésiliens. Comme tu viens de le faire avec Josué.

 

A peine Josué envolé qu’un type s’arrête à la fenêtre. Il baragouine quelque chose. Voyant que tu ne comprends pas tout, il sort sa calculette. « Banco, dit-il en tapant du doigt le petit écran. 1 dollar = 100 CzS.  Eu, 1 dollar = 140 CzS ». L’offre est plus séduisante que celle que t’avais faite l’hôtelier ce matin, lui ne proposait que 130 CzS. Tu décides de changer 50 dollars. Le type remontre sa calculette « Banco = 5.000 CzS. Eu = 7.000 CzS ». Affaire conclue…

 

La batida de cocó, c’est le délice du palais. C’est du soleil lorsqu’il pleut. C’est de la fraîcheur lorsque la canicule sévit. C’est une étoile lorsque la nuit envahit le ciel…
Peter Tosh prend le relais de Marley… Aspire lentement dans ta paille. Juste rafraîchi par les glaçons, le liquide blanchâtre fleurit sur ta langue, s’épanouit dans ta bouche. Sa saveur bouleverse ton palais. Que c’est bon ! Encore une aspiration. La batida de cocó… c’est trop doux !

 

.

 

 

Séné, Séné, Sénégal…?
Salvador de Bahia
~ Peintre naïf
~ La capoeira
~ Un peintre naïf à… Paris
~ Luiz, le musicien
~ Raimondo et Célia
~ Pelourinho

Accueil
galerie Aventure

Fleche sene

La suite :

 

La capoeira

Date de dernière mise à jour : 02/08/2023

Questions / Réponses

Aucune question. Soyez le premier à poser une question.
  • 2 votes. Moyenne 4 sur 5.

Ajouter un commentaire