Séné, Séné, Sénégal…

 

Pelourinho

 « Ilha, Ilha, Madagascar… » La belle métisse amérindienne a pris le relais, elle te charmerait si sa voix n’était pas étouffée par le vacarme qui descend la rue. Une vingtaine de gamins croulants sous leurs trop lourds tambours défilent dans la ruelle.
Ils viennent de l’école de samba située un peu plus haut. Il en est ainsi toutes les semaines. « C’est vrai, on est dimanche… », réalises-tu. Ah ! La samba de Salvador est bien différente de celle de Rio, mais tout aussi envoûtante.

 

A la tête de la bateria, le mestre est secondé par le drôle de type. Par des gestes maladroits, le drôle de type dirige le rythme et la progression des gamins. Du moins, se l’imagine-t-il… Lui aussi t’a reconnu. Il s’interrompt, se dirige vers ta fenêtre « Bonjour monsieur ! » et il cavale reprendre sa place en tête. « Bonjour monsieur ! » vaut aussi bien pour un homme que pour une femme, c’est tout ce qu’il connaît en français.
Du matin au soir, le drôle de type titube d’un bienfaiteur à un bar, d’un bar à un badaud. Tu le rencontres à chaque coin de rue. Tant bien que mal, il évite les automobiles qui, malgré leur lenteur, roulent encore trop vite. Alors, il les insulte, même si l’automobile freine ou le contourne par un large détour. « Ça fait  vingt ans qu’il est comme cela. Si je faisais comme lui, il y a longtemps que je serais mort ! » t’avait dit Josué, le peintre.

 

La bateria s’est évanouie. A-t-elle déjà atteint le largo Pelourinho ? Ne veux-tu pas descendre sur cette place triangulaire ? Jadis, c’était là que se tenait le marché aux esclaves. C’était également là qu’on attachait, au pilori, les rebelles ou supposés tels. Des chaînes les empêchaient de s’enfuir tandis qu’on les fouettait. De leurs belles demeures qui entouraient la place, les riches planteurs de canne à sucre, propriétaires de ce bétail humain, se délectaient du spectacle…
De nos jours la place était livrée aux enfants du quartier. Chaque dimanche après-midi, une association organisait des jeux pour leur plus grand plaisir. A noite, lorsque la nuit s’était emparée du Pelourinho, un groupe musical ao vivo faisait danser les moins jeunes. Alors, tu y vas ?

 

Quoi ? Encore une batida de cocó ? Ça fait presque huit heures que tu traînes ici ! Ça fait je ne sais combien de batidas que tu t’enfiles ! Il doit être dans les 18/18h30. Regarde, il fait bien nuit. C’est l’heure d’aller manger.
Comment non ? Alors, comme ça, parce que tu es le personnage principal de cette histoire, tu te figures que tu vas décider de ce que tu fais ? Tu te révoltes ? N’oublies pas que c’est moi qui tiens le stylo. Je suis ton maître. Je fais de toi ce que je veux.

 

Les héros qui prennent possession de l’écrivain, ça n’existe que dans les romans ou dans les films. Saches que je ne suis ni écrivain, ni scénariste. Je ne suis qu’un gribouilleur. Et c’est moi qui aurais le dernier mot !
Tu veux une preuve ? Te voilà sur le trottoir, solitaire, une bande de voyous t’agresse. Un coup de couteau dans le ventre, tu roules à terre. Le sang gicle sur les pavés. Survient un gros camion, il t’écrase, t’écrabouille, te ratatine…
Alors, tu la ramènes encore ?

 
 

Le 29 avril 2019
(sur un texte de mai 1988)

 

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~ Pelourinho

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Date de dernière mise à jour : 30/07/2024

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