Des groupes s’énervaient : « Juan est mort assassiné ! ». D’autres ramassaient journaux, cartons et planches dans le périmètre. Un feu s’éleva tandis qu’une avant-garde entreprenait la danse des guerriers. On préparait l’assaut. On criait, on chantait, on dansait. Les deux poings se levaient en même temps : « A bas ! A bas ! Le capitalisme assassin ! ». Sur le balcon d’un immeuble, deux femmes se servaient de casseroles pour battre la mesure.
L’escadron ennemi, Butor en tête, s’était aligné à la hauteur du journal El Rural, à cent mètres de Lionel. On racontait que cet escadron faisait partie de ceux qui, depuis un mois, délogeaient les piquets de grève. Boucliers et matraques s’agitaient. Peut-être, même, que le Butor s’imaginait en train de tirer les manifestants comme des lapins.
Les pavés étaient jonchés d’objets hétéroclites. Des jeunes repartaient à l’attaque. Chaque fois qu’un projectile passait à sa portée, le Butor mettait son bouclier en avant. Pierres et boulons rebondissaient sur le plastique.