J’étais pas au courant

Sale type !

Une bonne journée s’annonçait malgré le temps maussade. Mme Kaiser était de sortie aujourd’hui. Elle répéta au moins dix fois les consignes, surtout pour le repas de midi. L’Odile aimait bien les enfants, Suzanne et Thérèse, et les enfants le lui rendaient bien, alors ce que serina la patronne...
Voilà que, sur le coup de onze heures, Mr Kaiser la fit chercher. Dès son entrée dans le magasin, l’Odile reconnut la Barbe, la femme du menuisier Cachelin. La veille, la Barbe était allée à la fête de Méréville, son village natal. Ce qu’elle raconta fit tomber l’Odile en sanglots.
Aussitôt, Mr Kaiser prit les choses en main :
- Odile, vous laissez les enfants ici, je me débrouillerais. Filez vite chez vous…

 

Elle attrapa tout juste le train de midi quinze pour Messein.  Durant le trajet, elle rameûssait.
Comment sa sœur avait-elle pu s’atticher de lui ? Le Drouin était petit, un bien petit homme, plus petit que la moyenne. Une bouille ronde, imberbe… Des cheveux noirs qui tombaient en bataille sur le front… Un type qui ne rapportait même pas son salaire à la maison. Un type qui dépensait tout l’argent du ménage dans les cabarets ! C’est pour vivre et élever son enfant dans de bonnes conditions que la Louise s’était mise au festonnage...
Ah ! Si elle n’avait pas été à ce « foutu mariage du frère Drouin » !

 

L’instant après, l’Odile révisait son jugement. C’est vrai que le Drouin était enjôleur. Il savait placer de beaux compliments au bon moment. L’Odile se rappelait ce que sa sœur lui disait au temps où le Drouin lui faisait la cour...
- Ah ! Tu ne peux pas comprendre. C’est le grand amour, disait la Louise en révulsant les yeux.
Autant dire que l’Odile ne voyait rien du paysage qui défilait. A quoi bon, depuis qu’elle était à Nancy, elle avait pris ce train maintes et maintes fois. Et dans les deux sens.

 

Tous les jours, le Drouin cognait la Louise. A peine étaient-ils mariés que ce sale type l’avait frappé à la cuisse avec un fer à repasser. Peu après, il l’avait précipité du haut de l’escalier… Un sale type, à tel point que l’Odile était allé à dire à sa sœur : « Si tu ne le quittes pas, c’est moi qui lui ferait la peau ». Et voilà le remerciement : sa sœur Louise lui avait dit de se mêler de ses affaires et de la laisser vivre son amour avec son René… C’était il y a un an. Depuis la Louise disait : « Je l’aime toujours… Mais, j’en ai peur… Peur de son couteau… ».

 

Madame Francin, une voisine à Richardménil, lui avait rapporté qu’en septembre dernier, le Drouin avait poursuivi sa femme jusque dans son jardin, le couteau à la main. La pauvre Louise n’avait dû son salut qu’en se réfugiant chez la voisine.
Ce couteau, l’Odile le connaissait. Le Drouin l’avait brandi une fois sous son nez. C’était un gros couteau en forme de poignard. Une virole le transformait en cran d’arrêt. La poignée était en corne noire… Il le portait toujours sur lui.
« Pauvre petit-René, dans quelle famille tu es tombé » pensa-t-elle.

 

L’Odile se souvenait de ce jour où le Drouin était venu à Nancy. Quelle honte ! Se présenter dans un tel état devant Mr Kaiser. C’est bien simple, le Drouin était débraillé. Pour sûr, l’alcool lui avait enlevé tout sens moral et dignité. Son pantalon de velours brun, son veston aussi râpé, son gilet noir déboutonné. Sa chemise autrefois blanche… La honte !

 

Ah ! Si la Louise n’avait pas été enceinte. Ah ! Si le petit-René n’était pas né il y a deux ans… Le Drouin aurait-il seulement épousé la Louise ? Même pas deux ans de mariage, déjà deux ans de souffrance…
Le train entrait en gare de Messein…
Coup de chance, l’Odile trouva un charriot pour Richardménil. L’homme la déposa devant la maison de ses parents.

 

L’Odile tomba dans les bras de sa mère. L’Odile tomba dans les bras de sa sœur Marie. Elle se reprit. Il valait mieux ne pas choquer les petits, son jeune frère Charles et son neveu le petit-René.
- Vous avez vu la Louise ?
- La voir allongée comme ça sur le plancher… Juste sur une couverture… Elle est chez les Muller... en face de la fontaine…
Sa mère et sa sœur Marie avait passé la matinée à Méréville. Elles avaient veillé la pauvre Louise.
- Et Père ? demanda l’Odile.
- Ton père est reparti là-bas dès le repas avalé. La Marthe et l’Emmanuel sont avec lui…

 

Arrivèrent l’oncle Charles et sa femme. Nouvelles embrassades, nouveaux sanglots.
Ils racontèrent à l’Odile que le Drouin avait passé l’après-midi d’hier à Méréville. Il entrait dans un café, picolait, se disputait avec d’autres consommateurs. On le mettait à la porte d’un café, il rentrait dans un autre.
Le matin, il était allé à Ludres avec le Joseph. La Marie certifia que son mari avait refusé de boire.

A midi, le Drouin avait mangé chez lui. Sûrement, il avait bu du vin. Après le repas, le Drouin était allé chez Hergué :
- Il était avec des copains, fit la Marie. Ils ont bu six bouteilles de bière chacun, alors...
- Il tenait à peine debout, soupira la mère de l’Odile. Ah, doux Jésus ! Il était dans un triste état…
- Comme d’habitude ! coupa l’Odile.
Ce n’est que plus tard, après une sieste et en compagnie de la Louise, qu’il était parti pour Méréville.

 

Madame Francin, la voisine, avait plusieurs fois dit à la Marie qu’elle entendait des disputes chez les Drouin et, même, que le Drouin battait sa femme.
- J’étais pas au courant de tout cela, regretta leur mère.
- Mère, il y a bien des choses que me racontait notre Louise, dit l’Odile. Elle ne voulait pas que je vous en parle pour ne pas vous faire de peine. Le Drouin la considérait comme sa chose…
- Une fois, il l’a campoussé jusque dans les vignes, rajouta la Marie. C’est vrai, Mère, notre Louise voulait pas qu’on parle de tout ça. ‘L avait peur de son mari... ‘L avait peur de prendre plûsse de coups si quelqu’un intervenait...

 

 

 

 

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Sale type !
Un dimanche à Nancy
~ J’étais pas au courant
~ Et blablabla
~ C’était trop tard...
~ Son couteau ensanglanté
~ Toujours sur le plancher ?
~ Tu prends bien soin de lui !
~ Capables du pire comme du meilleur
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Et blablabla

 
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Date de dernière mise à jour : 25/11/2023

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