Sale type !

Tu prends bien soin de lui !

Dès qu’il avait été informé du drame, le Maire était accouru. C’est lui qui avait arrêté le Drouin, l’avait fait conduire à la Mairie et fait appeler les gendarmes de Pont-Saint-Vincent.
- L’Edmond et d’autres gars l’ont gardé. Pour l’empêcher de s’enfuir...
L’Edmond approuva :
- Drôle de nuit, pour la fête de Méréville… Il m’a dit : « Quelle bêtise j’ai fait là »... Il ne se rendait pas compte…
- Qui le garde maintenant ? coupa l’Odile.
- Les gendarmes… Votre jeune frère est là-bas…
- L’Emmanuel ?
L’Odile s’aperçut à ce moment qu’elle n’avait pas encore vu son frère…
- Mais qu’est-ce qu’il fait là-bas !
Le Maire répondit que l’Emmanuel faisait les choses qu’il fallait faire. L’Edmond acquiesça d’un hochement de tête. Se voulant rassurant, il rajouta :
- Le Drouin risque plus de s’échapper maint’nant.

 

Le plaidoyer du Maire ne plut guère à l’Odile :
- Le Drouin n’est pas un mauvais bougre… Même s’il est un peu paresseux... Ça ne lui ressemble pas… C’est un drame… L’absinthe, ça rend fou…
- Taratata ! protesta la femme d’une cinquantaine d’années. Mon mari boit et il m’a jamais battue. Pouvez pas dire le contraire M’sieû le Maire.
- C’est un sale type ! cracha l’Odile.
Le Maire ne répondit pas, il désigna la large tâche de sang, le sang de la Louise. Elle s’étendait du milieu de la rue jusqu’au caniveau devant chez les Muller.
- On a retrouvé les peignes qui tenaient les cheveux de votre sœur. Ils ont dû tomber de sa tête… Les gendarmes les gardent comme pièces à conviction…
L’Adolphine Pachot renchérit :
- Il a frappé du poing la tête de vot’ sœur, avant le coup de couteau. J’ai bien vu…
Les deux peignes étaient brisés, ce qui témoignait de la violence du coup.

 

Le Maire désigna un endroit, plus loin :
- On a retrouvé la montre de votre sœur. Le Drouin lui avait emprunté le matin... C’est votre jeune sœur Marthe qui nous l’a dit. Il a dû la perdre en se débattant. Je vous la donnerais tout à l’heure…
Tout au long, de la maison Muller à la Mairie, le Drouin s’était rebiffé. L’un lui tenait le poignet gauche, l’autre le droit, d’autres le poussaient. Encore d’autres en profitaient pour lui coller des horions. Si bien qu’arrivée à la Mairie, sa figure était ponctuée de bosses et ses yeux brodés de noir.

 

Le Maire l’avait enfermé dans la salle des délibérations du Conseil municipal. Le Drouin s’était affalé sur une chaise.
- Je ne sais même pas s’il s’était rendu compte qu’il venait de tuer sa femme, soupira le Maire.
Dès son arrivée, le brigadier de gendarmerie l’interrogea. Les réponses étaient incohérentes, bredouillées, presque inaudibles. Plusieurs fois le Drouin bégaya : « J’me souviens de rien ». L’Edmond coupa la parole au Maire :
- Il a quand même dit : « Si j’avais pas été saoul, j’aurais pas fait ça ».
- J’espère qu’il a passé une mauvaise nuit ! asséna l’Odile.
On peut le penser. En tout cas il s’était enfermé dans un mutisme complet aux dires de l’Edmond et du Maire.

 

L’Odile retourna auprès de son Père. L’oncle Charles et la Marthe le soutenaient toujours.
- Et l’Emmanuel, il est allé faire quoi à la Mairie ?
- Je préfère que tu lui demandes… souffla la Marthe.
- Je crains le pire ! grogna l’Odile.
Son père posa la main sur son bras. Comme s’il voulait l’apaiser, il murmura :
- N’en veux pas à ton frère. Il fait ce qu’il pense être juste. J’aurai pas fait ça… Non, j’aurai pas fait ça… Mais je le comprends.
- Bon sang ! Dites-moi ce qu’il a fait.
Muller interrompit la discussion :
- M’sieû Bour, vous voulez pas vous reposer un peu ?
- Merci Muller, je préfère attendre ici.
- Mes parents habitent à deux maisons de là, ils vous feront un café...

 

De dépit, l’Odile s’en prit à l’Edmond :
- Que fait mon frère à la Mairie ?
- J’sais pas mademoiselle…
- Vous le savez ! fit l’Odile sur un ton inquisiteur, puisque vous étiez là-bas !
- Sais pas... Il vous dira…
L’Odile ne put rien tirer de plus. Et l’Edmond fit diversion. Une fois arrivé à la Mairie, le Drouin s’était affalé sur une chaise. Il était resté prostré là. Il avait même dormi sur sa chaise.
- Ce matin, il nous a demandé ce qu’était devenue sa femme…

 

L’Odile se moquait de ce que pouvait penser ou faire le Drouin. Elle retourna près de son père. Plus le temps passait, plus son père s’effondrait.
- Vous devriez aller vous reposer Père…
- Père veut rester ici ! trancha la Marthe.
- Ma pauvre fille, fit le père. Maintenant, t’as fini de souffrir…
- Oui Père, acquiescèrent l’Odile et la Marthe.

 

C’est à ce moment-là que le médecin-légiste flanqué du juge et des gendarmes fit sa sortie. Il était presque cinq heures. Journalistes et badauds se bousculèrent. L’Odile joua des coudes pour approcher et pouvoir entendre.
Petite barbiche bien taillée, des lunettes qui lui renforçaient son air sérieux, le médecin-légiste se tenait debout devant la porte d’entrée des Muller. Il attendait que l’agitation cesse.

 

D’une voix sèche, monocorde, il égrena son compte-rendu. La plaie d’une largeur de un centimètre et demi se trouvait sur le devant du cou, à droite de la trachée artère. Le coup avait été porté avec une rare violence, de haut en bas. La lame avait pénétré à une profondeur de dix centimètres jusqu’à la partie supérieure du thorax. Dans son parcours, elle avait sectionné l’artère thyroïdienne et la veine cave supérieure. La pointe avait perforé la plèvre ainsi que le sommet du poumon droit. La blessure avait été faite par une arme extrêmement tranchante. La mort occasionnée par l’hémorragie avait été très rapide.
- Chacune de ces lésions était mortelle. La victime devait fatalement succomber. Des questions ?
Les journalistes bombardèrent les autorités, plus sur le devenir du Drouin que sur la pauvre Louise. Le procureur Furby se répandit en explications. Puis il déclara qu’il venait de signer le permis d’inhumé et que le corps de la pauvre Louise était remis à la famille.

 

Enfin, la famille était autorisée à entrer chez les Muller. Etendue sur la porte soutenue par les deux tréteaux... Image brutale… Le choc ! Des sanglots secouèrent l’Odile et son père. La Louise était morte,  bien morte !
Le père n’avait plus qu’une hâte : emporter sa fille chez lui où, avec sa famille et dans la sérénité, il pourrait la veiller. Monsieur Bazin avait avancé son charriot. Muller proposa que l’on transporte la Louise sur sa porte. Plusieurs hommes se proposèrent. Ainsi, l’Odile, la Marthe, leur père et l’oncle Charles s’en allèrent derrière le charriot. Quelques personnes les accompagnèrent jusqu’à la rive de la Moselle. Là :
- Faut que j’aille à la Mairie, décréta l’Odile. Marthe, tu restes avec le Père !
- Evidemment…
- Tu prends bien soin de lui !
- Mais, oui…

 
 
Adresse daniel

Date de dernière mise à jour : 26/06/2024

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