Boire un petit coup

Le bleu méditerranéen s’épanouissait au soleil, se ridait de blanche écume à l’approche du rivage, se tachetait du brun des rochers auréolé d’une mousse blanchâtre. La mer semblait avancer dans la terre. Perlés du rose des lauriers, le vert et l’ocre de la montagne s’avançaient en promontoires. Sur la gauche, la muraille s’effondrait dans les flots bleus, l’autre rive de la crique était aussi montagneuse. Le sable fin participait à cette débauche de couleurs.

 

Vu de la gargote, le paysage était magnifique. L’homme qui y tenait la table de presse nous prêta des journaux, entre autres Le Monde vieux de quatre jours. Sa librairie était implantée dans le village, mais, en période estivale, il s’installait au bord de la plage et vendait également des cigarettes.
Les gars qui tenaient la gargote étaient sympathiques, nous décidâmes de rester là. Ils nous offrirent à manger et à boire et nous prêtèrent une des deux tentes qu’ils avaient installées sur la plage. La gargote était une construction de bric et de broc, une baraque faite de planches ramassées ça et là. Mais, elle avait bonne allure…

 

Le soleil déclinait lentement, frôlant l’horizon et, finalement, se laissa engloutir. Une dernière fois, l’écume des vagues refléta les rayons incandescents. Il y avait foule sur la plage. Les deux gargotiers, le vendeur de journaux, les trois maîtres nageurs (le poste de secours était tout proche) et quelques amis du village. Les bouteilles de vin sortirent comme par enchantement et se déversèrent dans les gosiers. Lorsque arriva un émigré de Lyon qui raconta qu’il venait de voir une prostituée là-bas sur la route. Tout le monde se secoua, se remua, s’engouffra dans les voitures qui démarrèrent sur les chapeaux de roues. Seuls l’un des gargotiers et l’émigré de Lyon restèrent avec nous… à picoler.

 

Un quart d’heure plus tard, les excités étaient de retour avec la prostituée que le gargotier « excité » installa dans l’autre tente sur la plage. Faut bien reconnaître que tout le monde était cassé, et même bien cassé. Et le vin continuait de couler.
Une querelle éclata entre les deux gargotiers sans que nous ne comprenions trop le pourquoi de la chose… Un coup de poing partit… L’un courut après l’autre avec une pelle. Il allait réduire son rival en beefsteak haché… Sa proie lui ayant échappé, la colère s’empara du poursuiveur si bien qu’il détruisit la gargote à coups de pelle.

 

Le lendemain l’un des gargotiers s’excusa pour l’esclandre musclée de la veille et entreprit de rafistoler la gargote. Nous lui prêtâmes même notre aide ainsi que deux autres amis du village et le vendeur de journaux. Survint l’autre gargotier qui, la veille, était le poursuiveur. La querelle reprit de plus belle. A nouveau, la gargote fut démolie et les protagonistes en revinrent aux mains…
Pour nous, il était temps de fuir ce lieu paradisiaque.

 

 

 

 

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Le 12 mai 2002
Sur un texte de 1984

Date de dernière mise à jour : 30/12/2023

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