Le Gérard m’empoigna. Comme ça d’un coup, il m’arracha de ma chaise et me traîna devant la bibliothèque. Oh ! une bien belle bibliothèque. En chêne vrai de vrai et sculpté avec ça. De l’art qui v’nait d’not’ Lorraine, du XVIIIe siècle m’avait dit la tante Agathe qui me l’avait donné en héritage. Autrefois, il y avait de belles portes vitrées, mais je les avais démontées afin d’atteindre plus facilement les rayonnages. Bref…
Le Gérard ignora la dernière étagère, celle du bas, celle où la chienne Fofa rangeait ses peluches et autres jouets. Il délaissa l’étagère suivante où ronflaient comme des locomotives le Chanoire et la chatte Mahon. Il délaissa les trois autres, celles où était entassé un fatras de papiers. Aussi bien mes anciennes fiches de paie que des factures d’électricité ou des papiers ousque j’avais gribouillé des choses que j’appelais des fiawes. Il s’arrêta à la plus haute des étagères, pas parce que il ne pouvait plus monter plus haut, mais parce que, ici, étaient alignés mes beaux livres. Il commença à égrener :
- Vagabond du rail, tu l’as déjà publié… Clochemerle, déjà publié…
Ainsi, il passa en revue tous mes beaux livres. Arrivé à la fin de la file, il s’écria :
- Ben, tu as tout publié. Et il n’y en a pas d’autres. Ah ! tu pavoisais en disant avoir relevé le défi… Mais, mon pauvre vieux, tu n’as rien relevé du tout, il te manque un livre.
- Ben, on va bien en trouver un…
Tout simplement pas possible :
- Regarde tu n’as que neuf livres et il n’y en a pas ailleurs !