Quelle ne fut pas sa déconvenue lorsqu’elle revint au camp. Les membres de la tribu dévoraient la viande à pleines dents. Pire, ils gloussaient de satisfaction. Le Peût’ôme lui trancha un morceau où avait coulé l’eau salée. La viande assaisonnée était délicieuse.
La jeune fille blonde fut dignement fêter pour sa trouvaille. Quant à la vieille Magdaleina, elle aurait pu finir sa vie adulée et honorée si, le lendemain, elle n’avait pas rajouté quelques herbes que la jeune fille blonde avait ramassées. La vieille Magdaleina prétendit que c’était pour donner meilleur goût à la viande. Mais, voilà, le goût en question ne plut pas du tout. Deux hommes et une femme tombèrent malade à la suite du repas. Du moins le crut-on, car notre vieille Magdaleina avait utilisé de la passe-pierre et du laurier. Tout le monde sait bien que ces herbes ne sont pas dangereuses. Au contraire…
Au qwâroye de la tribu, le Peût’ôme accusa la vieille de vouloir les empoisonner. Plus d’un s’étonna. Le Peût’ôme, lui l’ami de la vieille Magdaleina, lui qui s’intéressait tant aux coutumes indigènes. Ce n’était pas croyable qu’il agisse ainsi… C’est que le Peût’ôme avait une idée en tête, la tribu n’allait pas tarder à l’apprendre. Ni plus, ni moins, il proposa qu’on exile la vieille. Sur le plateau où, selon la légende, était apparue la Sotrée, le Peût’ôme fit construire une hutte. C’est là qu’on relégua la vieille Magdaleina. Et plus personne ne lui parla, plus personne ne lui rendit visite. Sauf, la jeune fille blonde qui lui apportait régulièrement à manger et les herbes qu’elle ramassait dans la forêt ou dans les marécages.
Et les autres indigènes, donc ? Eh bien, les indigènes ne levèrent pas le petit doigt pour leur vieille. D’ailleurs, plus ça allait, plus les différences physiques et morales entre eux et les Curcellae se gommaient. Bientôt, il ne resterait plus rien des traditions. Enfin, si rien n’était fait.