A tous...

  • Daniel Schlauder
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    39-45

    39-45 (suite)
  • Voici une partie d'un texte que j'ai composé à l'attention de mes enfants et petits-enfants pour me faire connaître un peu mieux, mais aussi leur raconter ces choses du passé, de mon passé, qu'il n'ont pas connu et dont ils n'ont que peu d'information.

    Woippycien…! Ce terme est mien par la force des choses et je me dois de m’expliquer. Comme des milliers d’autres avant moi depuis des siècles, je suis né
    woippycien. N'ayez aucune inquiet, il n’est nullement question de maladie ou de quelque tare que ce soit. Je suis tout simplement venu au monde un bon samedi à 23:30 le 29 octobre 1938 à Woippy, une petite ville du département de la Moselle en Lorraine dans le nord-est de la France, à tout au plus quatre kilomètres de la grande ville de Metz (prononcez « messe »).
    En ce temps-là, mes parents habitaient un château (c’est le terme qu’ils employaient) aménagé en quelques logements. Nommé château de Ladonchamps, il était la propriété de la famille Lefèbvre de Ladonchamps. Ne l’ayant jamais vu, je ne peux me fier qu’à ce qu’on m’en a dit. Il était situé au 26, rue de Metz à Woippy. Ce château sera complètement incendié en novembre 1944, lors des bombardements alliés sur ce secteur du front. Il ne sera jamais reconstruit.
    Voici quelques bribes d’histoire pour bien comprendre les événements qui suivront. Mes parents vont bientôt quitter Woippy. L’Europe entière, l’Alsace et la Lorraine en particulier, voit avec un lourd sentiment de crainte la montée fulgurante du nazisme en Allemagne. Déjà en 1871 suite à sa victoire dans la guerre franco-allemande, Guillaume 1er annexe l’Alsace et une grande partie de la Lorraine. Bismarck, son homme de fer, fera tout pour germaniser les territoires conquis.
    Le 11 novembre 1918, les Woippiciens accueillent avec joie la fin des hostilités et la paix retrouvée. La commune et le département de la Moselle sont réintégrés à la France après le Traité de Versailles, ratifié par l'Allemagne le 10 janvier 1920. Wappingen redevient Woippy. De 1940 à 1944, Woippy est de nouveau annexée à l'Allemagne, cette fois de facto. Lors de cette seconde annexion, le 1er avril 1941, la commune de Woippy rebaptisée "Wappingen" intègre le district urbain de Metz, ou "Stadtkreis Metz".
    Mon père, élevé dans la partie de la Lorraine demeurée française en 1871, (Charmes en Vosges) s’est dépêché de plier bagages et de retourner en des lieux plus surs. C’est ainsi que dès le printemps de 1940, la famille déménage au 6 Avenue de Metz à Pont-à-Mousson. Il s’est trouvé un emploi à la Malterie du Berry, une micro-brasserie. Tout semble bien aller. La maison est vaste, coquette et confortable pour l’époque. On y a l’électricité, le gaz, une petite cour intérieure, un hangar et un long jardin muré de tous côtés, garni de trois ou quatre noyers matures. Au fond du jardin, un préau trônait ; il sera important dans quelques mois pour la sécurité de la famille.
    La terrible rumeur qui circulait depuis quelques mois en France se confirme. Le 3 septembre 1939 l’état de guerre est proclamé entre la France et l’Allemagne. La région lorraine en portait déjà les marques. On dit que plus de 300,000 personnes, dont mes parents, gagnent les départements d’accueil du sud. Une chanson était sur toutes les lèvres des Lorrains et même de tous les Français. C’est un chant patriotique dont je cite la première strophe :
    Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine,
    Et malgré vous, nous resterons Français
    Vous avez pu germaniser la plaine
    Mais notre cœur, vous ne l’aurez jamais.
    C’est dans cette petite ville que remontent mes premiers souvenirs. Jeune enfant, insouciant du danger qui menace constamment, de jour comme de nuit, mes parents font tout pour me protéger. Je me souviens du bruit des bottes et des chants des soldats allemands qui défilaient dans notre rue au pas militaire. Ces nouveaux venus sont redoutables, les habitants n’en cache pas leur peur maladive et en prennent garde ! Je me souviens du hurlement funeste des sirènes annonçant un bombardement. Je me souviens du branlebas de combat que cela provoquait ; rapidement, rues et maisons étaient désertées, la nôtre comprise. Les maisons, sans la moindre lueur, semblent mortes. L’angoisse est dans tous les cœurs, elle ressemble à de la paralysie.
    Au son des sirènes nous allions, au pas de course, nous réfugier dans la tranchée que mon père avait creusée sous le préau, au fond du jardin. Les hauts murs de pierres qui clôturaient le jardin donnaient une protection supplémentaire. Je me souviens que lors des bombardements la terre tremblait au point qu’il nous arrivait d’avaler des brins de terre. L’accalmie revenue, on quittait sans hâte ce refuge pour constater les dégâts éventuels. Heureusement nous avions été épargnés. Toutefois, à quelques pas de chez nous, un violent incendie faisait rage. Comme des centaines de curieux, moi, assis sur les épaules de mon père, nous avons regardé avec effroi s’effondrer une partie des murs de la bibliothèque des Prémontrés (le père Jésuite Jacques Marquette, découvreur du Mississipi en 1673, y avait fait ses études de théologie, quelques 275 ans plus tôt).
  • Un vibrant témoignage d'une époque qui a marqué, non seulement celles et ceux qui l'ont vécue, mais aussi leurs enfants (au moins ceux de ma génération). C'est une excellente démarche de faire connaître ces événements et faire savoir que l'Europe de l'Ouest n'a pas toujours été une terre tranquille... Ce que les Syriens (et bien d'autres populations) subissent aujourd'hui, c'est ce que les Lorrains et les Alsaciens ont subi dans un passé pas si loin que ça. L'histoire ne se répète pas, elle bégaye...
    (Daniel Schlauder)

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