Un homme habillé comme il faut, costume sombre, cravate noire et un beau chapeau sur la tête, descendait la rue. A leur hauteur, il lâcha un sec « Bonschour méchieurs-tâme ». L’Oda ne répondit pas. Par contre le père Galate enleva sa casquette, fit une parodie de révérence et pouffa : « Bonjour patron ». Un fou-rire secoua le père Galate. Il ricana :
- Ton Alsacien, Oda !
- Vous avez vu ? J’lui ai pas dit bonjour. J’vous ai pas menti l’aut’ fois.
- T’as bien raison, si ton ancien chef est aussi con… Arschloch !
- Oh, monsieur Galate ! (s’offusqua l’Oda).
- C’est vrai, quoi, c’est un trou du cul ton ancien chef ! Nom de Dieu ! C’est bien un Alsacien !
- Dîtes-voir, monsieur Galate…
- Quoi donc’ ?
- Vous êtes pas Alsacien des fois ?
Le père Galate éclata de rire. Il souleva sa casquette, plaqua ses cheveux gris sur son crâne, replaça sa casquette : « J’suis né là-haut… A Saverne ». En 1895, son papa avait été nommé Directeur des Contributions chez nous. Le père Galate atteignait les cinq ans. Autant dire qu’il n’avait pas connu l’Alsace. D’ailleurs, il parlait comme nous, sans accent. Si l’on ne connaissait pas son histoire, on le prenait pour quelqu’un de chez nous.
- Vot’ femme vient de là-haut aussi ?
Le père Galate ironisa :
- Penses-voir, c’est une baouée. Une vraie paysanne d’Chambrey. Elle est pas comme nous, gens de la ville, nème ?
- Mais, vot’ papa, c’est pas lui qu’a eu des ennuis pendant la guerre ? Mon père en parlait… Mais, il m’a jamais dit quesqu’i s’était passé.