La majorité des gens la critiquait. Les autres, au mieux, la plaignaient avec condescendance. Pourtant cela faisait plus de quinze ans que madame Irène vivait dans cette petite ville. Elle avait même partagé avec eux la période de l’exil. Ses enfants fréquentaient l’école et avaient même quelques copains et copines. Mais, voilà, elle n’était pas de chez eux. Bien qu’originaire d’ici, son mari n’était qu’un voyou notoire. Chaque jeudi, madame Irène faisait son marché et en revenait tôt. Ainsi, elle croisait le minimum de gens. Elle salua la vieille femme qui était à sa fenêtre :
- Bonjour Demoiselle Agathe (Juste à ce moment sortait) Bonjour madame Chlodère.
- Bonjour madame Irène.
L’Oda plaignait cette pauvre dame. Pense-voir, son mari l’avait plaqué, elle et ses cinq enfants. On racontait qu’il était parti là-bas aux Colonies. En fait, personne n’en savait rien. Et la plupart, plaignait cette femme d’une quarantaine d’années qui, pourtant, était encore « pas mal pour son âge » gloussait le père Galate après avoir déversé une brouette de propos salaces. Les plus sensés, sans doute pour s’excuser, disait qu’elle éduquait bien ses enfants, qu’ils étaient toujours impeccables et bien polis.
Pour le Milou, l’époux de l’Oda, qui connaissait l’homme de réputation, c’était ce qu’il pouvait arriver de mieux à cette dame. Selon lui, l’homme fréquentait des voyous à Nancy. Certains de chez nous se souvenaient que lors de l’exil, il avait fait des choses pas bien nettes : c’était le roi du marché noir. Il a le mal dans le sang, rajoutaient d’autres qui, pourtant, étaient passés par lui pour se ravitailler.