Prologue

Le Peût’ôme (1)

 

D’un geste, la vielle femme les invitait à entrer.
- Vas-y puisque la Bianche-tète le dit ! cria Guy.
Etait-ce vraiment la Bianche-tète ? Leur maman leur avait dit que la ruelle des Sorcières et le Puits aux Bébés avaient disparu… « On verra » avait décrété la Mikète qui voulait éclaircir le mystère. Elle tirait la veste de leur père qui discutait toujours sans se décider à franchir la porte. « On peut entrer papa ? ».
- Entres donc ! cria Tony. T’occupe pas de ton père.
- Froussarde ! tonna quelqu’un.
- Elle ne nous a pas habitués à avoir peur, lui répondit Tony.

 

Une petite porte évitait de pousser le lourd battant de la porte cochère. Une petite porte qui paraissait, elle aussi, bien lourde.
- Ho hisse ! Ho hisse ! toutes et tous encouragèrent la Mikète.
« Attendez, j’vâs ouvrir » proposait le père Galate. « Faîtes pas de conneries » lançait leur père au moment où ils enjambaient le seuil.
- Tu parles. Ils ne vont pas t’attendre, cria Tony comme si le père l’entendait.
- Ils ne vont pas en rester là ! approuva Guy.

 

Un effrayant bruit provenait de la cour. Le Fofo galopait dans ce qu’on pourrait appeler un lugubre couloir bordé de maisonnettes.
- Allez Fofo, allez Fofo, allez ! Allez Fofo, allez Fofo, allez !
Le Fofo s’arrêtait à l’entrée de la cour, jappait agressivement, faisait demi-tour. Il revenait à toute vitesse. Il se tassait derrière les Mioches.
- Hou ! Hou ! protestèrent la plupart.
- Retourne vers la cour ! ordonna Guy.
- Allez Fofo, un peu de courage ! clama Tony.
Le bruit effrayant avait cessé. Ils avançaient presque à tâtons, très lentement, sur leurs gardes…
- C’est le Peût’ôme ! cria Tony.
La ruelle des Sorcières ! Ils étaient dans la ruelle des Sorcières. Etriquée, voûtée, sombre à souhait, une sorte de couloir bordé de maisonnettes délabrées…
- Ooh, s’affolèrent certains.
Le Dabo sursautait… Une goutte d’humidité venait de tomber sur sa tête… Une odeur infecte écœurait. Une porte à moitié déglinguée entrouverte…
- Pousse la porte ! s’égosilla Guy.
- Vas-y ! Vas-y ! scandèrent certains.
- N’y vas pas ! N’y vas pas ! braillèrent les autres.

 

Le sinistre grincement de la porte filait la chair de poule. La pièce était encore plus ténébreuse. De l’étroite fenêtre, un filet de lumière éclairait un tas de peaux. Un tas de peaux qui dégageait des effluves de pourriture et de mort.
- C’est les enfants pas sages, se boyauta Guy.
« C’est dégueulasse » vomit la Mikète en refermant vivement la porte. Le silence régnait. Leurs pas crissaient à nouveau. Les pavés étaient gros, disjoints, tords-pieds. Vingt mètres, trente, peut-être plus, interminable. Enfin, à quelques pas, sur la gauche, la cour…
- Oooh ! sursautèrent certains.
Une nouvelle goutte d’humidité hérissait la tignasse du Dabo… Le vacarme assourdissant reprit. Des gerbes d’étincelles jaillissaient.
- Aaaaaaah ! paniqua une partie tandis que l’autre scanda : Le Graouli ! Le Graouli ! Le Graouli ! Le Graouli !
La peau de leurs bras ressemblait à celle d’une volaille que l’on venait de plumer. Bruit et étincelles cessaient… Un grognement succédait… De lourds pas approchaient… Le Fofo se ramassait sur lui. Il aurait pu se faufiler entre deux pavés, il l’aurait fait…
- Trouillard ! l’insulta Tony.
- Allez Fofo attaque ! se boyauta Guy.
De l’angle surgissait…
- Aaaaaaah ! s’affolèrent quelques-uns.
Devant eux, une créature aux cheveux hirsutes. La barbe en bataille. Un affreux rictus déformait son visage. Des yeux haineux qui sortaient de sa tête. Des sourcils épais et foncés. Un dos vouté. Le trou béant de son pantalon bleu laissait entrevoir une cuisse velue. A sa main… A sa main…
- Sauvez-vous ! hurla une fille tandis que les autres tapèrent dans leurs mains et tapèrent des pieds en scandant : Allez Mikète, allez Mikète, allez ! Allez Mikète, allez Mikète, allez ! Allez Mikète, allez Mikète, allez !
A sa main… Un immense couteau. Muets, paralysés, la Mikète et le Dabo l’étaient devenus.
- Le Peût’ôme ! Le Peût’ôme ! Le Peût’ôme ! Le Peût’ôme !

 

- J’étais sûr que ça finissait comme ça, fit Guy en se dirigeant vers la sortie. La Mikète, c’est la meilleure !
- Le meilleur film du Festival ! décréta Tony.
- Ah, le Festival du Fantastique au Grand Rex. Pour tout l’or du monde, je ne raterai ça.
- J’adore l’ambiance. C’est comme si on participait au film.
- Magique ! se pâma Guy. Mais, je préfère quand même le balcon.
- C’est trop le bordel, là-haut.
- C’est sûr, rigola Guy. Mais, quand même au balcon, il y a plus d’ambiance. On va s’en jeter un ?
- Pas trop le temps. Je n’aurai plus de métro.
- Je passe pas loin de chez toi. Je suis garé vers Bonne Nouvelle.
- D’accord, on va au Café du Croissant.

 
 
Flech cyrarr

La suite :

Le Peût’ôme (2)
Maudit sac

 
 

Date de dernière mise à jour : 19/05/2025

Questions / Réponses

Aucune question. Soyez le premier à poser une question.
Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire