Nous arrivions à notre maison, juste le vélo du Fanfan couinait au bord du trottoir.
- Bonjour Oda. Faudra que tu désherbes.
- J’le fais régulièrement ! (répondit notre maman du tac au tac. Bon, cela faisait bien un mois que l’herbe se prélassait entre les pavés).
- Je s’rais obliger de te verbaliser…
- Vous m’dites ça cause qu’mon mari fait la grève et qu’ça plaît pas au Maire ?
Le Fanfan bégaya de vagues excuses. Ce n’était pas de sa faute. Le Maire lui avait fait la remontrance, alors… Ma sœur profita de son désarroi pour balancer :
- Lèche le cul du Mièsse !
- Mikète ! (la réprimanda mollement notre maman).
- Le Fanfan ! (s’en mêla la tante Agathe) Vous allez arrêter d’enquiquiner ma nièce, oui !
C’eut pour effet de le faire décamper. En redémarrant un peu trop précipitamment, voulant traverser la rue pour rentrer chez lui… Non, l’automobile l’évita de justesse. Effrayé, le Fanfan donna un violent coup de guidon, vacilla, perdit l’équilibre, se retrouva la binette sur les pavés. Ce qui déclencha nos rires :
- Allons ! Allons ! (nous réprimanda notre maman. En se retenant de pouffer, elle demanda) Vous êtes pas fais mal, Fanfan ?
Le Fanfan grommela un « ça va, ça va ».
- Le Bon Dieu vous a puni (se bidonna la tante Agathe).
Il se releva avec peine, redressa avec autant d’efforts son vélo, remonta en selle et s’élança en pédalant aussi vite que lui permettait son si bel embonpoint. A ce moment arrivait :
- Martini ! Martini ! (criâmes en cœur).
- Salut les Mioches. Salut Oda, comment qu’c’est ?
- B’jour Félix. A par le Fanfan qui m’enquiquine avec son herbe, ça va ?
- Et le Milou, la grève ?
- Ça va, il a bon moral. Sauf que la moitié de la ville me fait la gueule.
- Des cons ! Ce sont des cons ! Que le Milou et ses camarades tiennent bons. Ils foutront à genoux ce prétentieux de Mièsse.
Et il redémarra sur ces bonnes paroles.