Pour la Mimie, malgré son mari et ses camarades licenciés, la grève était victorieuse. Maintenant, le Mièsse payait les heures supplémentaires, même si la paye arrivait toujours avec quelques jours de retard. Et les ouvriers avaient plus de sécurité sur les chantiers. Et puis leur grève avait réveillé les consciences des autres qui commençaient à discuter entre eux. Le mot « grève » revenait fréquemment. Le patron de la scierie comme les fabricants de remorques avaient, du coup, décidé que les heures supplémentaires seraient payées en totalité. Bon, ils leur escroquaient bien quelques heures sur les mois précédents.
- Et à la chaiserie un jour de grève… (s’emballa la Mimie).
Le soir même, le patron de la chaiserie annonçait que toutes les heures effectuées dans la semaine seraient payées avec le salaire hebdomadaire. De plus, pour « ses » ouvrières et ouvriers qui venaient des villages, il allait aménager un réfectoire afin qu’elles et ils puissent manger dans de bonnes conditions.
- Moi, je suis fière de votre grève ! Même si c’est dur (rajouta la Mimie en voyant la mauvaise tête de notre maman) T’sais Oda, moi aussi, je fais appel à mes parents et à ceux du Mimil’…
Nous avions enfin compris ce que voulait nous montrer le Heurlin : « Le Peût’ôme est sous votre nez, cherchez mieux ». Oui, le Peût’ôme était sous notre nez. Le lendemain, il nous conforta dans notre conviction et déclara :
- Votre papa et ses camarades peuvent être fiers de ce qu’ils ont fait. Ils ne se sont pas couchés devant leur patron. Au contraire. Et vot’ papa n’est pas un con, c’est un homme bien. Son seul tord, c’est de ne pas s’être plus appuyé sur ses camarades. Vous verrez la prochaine fois, il réussira. Tant que les ouvriers n’auront éliminé, une bonne fois pour toutes, tous les Peût’ômes… (rajouta-t-il).