André lança le dernier départ. Maintenant l’attelage se dirigeait vers le chenil. Le vent s’était levé, qui faisait osciller doucement la cime des sapins. Devant nous on voyait la piste blanche se prolonger en un long ruban d’argent et toujours avec le même entrain, les chiens gambadant allègrement, la queue roulée sur le dos et le Dabo excité qui criait :
- Go! Inouk, go! Répétant à tue-tête les mots que criait André.
- Go! Blue, go! Reprenait la Mikète qui voulait, elle aussi, encourager son amie à quatre pattes.
Le chemin du retour se faisait en douceur le long du cours sinueux de la Sainte-Anne, coulant au fond d’une large vallée. Les ballons des Laurentides de notre randonnée, faisaient place maintenant à de simples bosses aux forêts moins denses. À un carrefour, André fit prendre le chemin de gauche à ses chiens. Peu de temps après, au sommet d’une petite côte on vit apparaître les bâtiments du chenil. Cette belle aventure venait de se terminer.
Dans la grande cour, Jean-Yves et Mathieu, le fils d’André, 17 ans, s’affairaient à décharger la surfaceuse. À la demande d’André, il répondit :
- Nous venons d’arriver. Il nous a fallu près de quatre heures, à deux, pour dégager l’éboulis. Il faudra attendre une nouvelle chute de neige qui recouvrira la terre, les résidus de branches et la sciure, avant de reprendre ce trajet.
Jean-Yves avait une voix légèrement éraillée. Il parlait lentement, comme s’il eut compté ses mots. Revenant à l’attelage, André annonça :
- Les Mioches, vous avez passé de longues heures assis, confinés dans un espace restreint, voici le moment de vous dégourdir les muscles, c’est la récréation. On détache les chiens et on les laisse courir à leur guise. Jouez avec eux pendant qu’on bâche le traîneau sous le porche.
- Hourrah ! Cria le Dabo détachant Inouk.
Le chien, dans sa joie, lui bondit sur la poitrine lui faisant perdre l’équilibre. Voilà notre Dabo étendu dans la neige, sur le dos, Inouk lui léchant la figure malgré ses protestations, peu convaincantes il faut le dire, et ses gestes pour se dégager.
Blue sautillait, le corps pris de convulsions tant elle était heureuse de l’approche de la Mikète. Libérée de son harnais, dans sa démonstration de joie, Blue bouscula la jeune fille qui tomba sur le dos elle aussi. Elle eut beau se débattre, la chienne trouva le moyen de la lécher copieusement, provoquant des éclats de rires indescriptibles. Mathieu et Bernard, après avoir libéré les quatre autres chiens attirés par les cris et les rires, se sont joints à la mêlée. Pauvre Dabo, dès qu’il réussissait à se remettre debout, involontairement un chien, dans l’excitation du moment, le faisait trébucher. Ce débordement d’activités et de bruit a attiré Marianne, l’épouse d’André.
- Qu’est-ce que c’est que tout ce boucan… ! Bernard, te rouler dans la neige… ! à ton âge…! Tu ne vieilliras jamais, toi… !