- C’est quoi du castor ? J’connais pas, s’informa le Dabo.
Bien installés sur leur chaise capitonnée, les enfants ont choisi d’emblée la truite, surtout après les explications et l’image que le maître d’hôtel leur a faites du castor.
- C’est un petit animal qui vit dans les ruisseaux. Il peut couper de gros arbres rien qu’avec ses dents, c’est un travailleur infatigable. Très ingénieux, il construit de solides barrages étanches avec des branches et de la terre, assez élevés pour former des étangs. Tiens, là sur ton napperon il y a une image du castor, expliqua le maître d’hôtel fort sympathique.
- C’est la queutze…! Un gros rat. J’veux pas d’ton rat…!
Le serveur me fit un clin d’œil. Lorsque les enfants reçurent leur assiette, un petit morceau de castor y avait été rajouté; qu’ils ont particulièrement apprécié. Je mis dans les mains du Dabo une pièce de monnaie de cinq sous où figure un castor en plein travail.
- Tiens, garde cette pièce sur toi, tu y vois la gravure d’un castor, qui est l’emblème culturel du Québec. Les Hurons le vénéraient des siècles auparavant comme le totem de leur tribu.
Puis nous avons eu droit aux biscuits indigène, faits de farine de millet et de maïs, agrémentés d’un coulis de « chicouté », cette petite framboise au goût exquis et très particulier, suivit d’un thé du Labrador, le Dabo s’est vu servir un bon verre de lait frais.
- Merci, tonton, c’était vraiment bon! T’sais, le piat morceau d’castor c’était délicieux, comme dit la tante Luluce. J’vâ lui en parler, è doit pas connaître ça.
- Moi ‘si j’â tout aimé. J’vâ parler d’not’ dessert aux Stène pour qu’is nous en fasse des pareils.
Au moment de sortir de la salle à manger, des sons de tambour et des chants tribaux ont attiré notre attention. Du corridor-musée, une passerelle couverte et fenêtrée nous conduit à la salle des spectacles. L’ingénieux architecte lui a donné la forme d’un grand tipi tronqué. L’intérieur ressemble aux cirques sous la tente de mon enfance. Une arène circulaire où sont présentées les attractions, entourée d’une quinzaine de rangées, en gradin, de fauteuils à siège rétractable. Une belle chanson algonquine, bien connue au Québec, était chantée par des voix féminines, rythmée par des tambourins : Ani couni chaouani
Il faut le reconnaître, la Mikète à bonne mémoire. Comme les trois premiers mots sont répété deux fois, elle s’est levé et s’est mise à chanter tout en imitant les pas de danse des chanteuses.
- a-ani cou-ouni cha-a oua-ni
- a-ani cou-ouni cha-a oua-ni!
Pauvre Dabo, il a bien essayé d’imiter sa sœur, le résultat était plutôt décevant mais au moins avait-il fait de beaux efforts. Toutefois, ses pas de danse étaient en harmonie avec la chorégraphie Huronne.