Kabir Kouba

L’arrivée (Québec)

 

Par Bernard Antoine

 

En auto, de l’aéroport au plateau Lorettain, il ne faut qu’une dizaine de minutes. La rue Racine, artère commerciale de ce quartier de Québec, nous emmène, via le pont de la rivière Saint-Charles, chez les Hurons. Ce cours d’eau délimite Loretteville à sa droite de Wendake à sa gauche. Après une succession de rapides et de petites cascades, elle s’engouffre sous le pont et chute, avec grands fracas, d’une hauteur de vingt-huit mètres et poursuit son chemin dans un canyon spectaculaire, atteignant parfois quarante-deux mètres de hauteur, qu’elle a elle-même creusé dans la roche tendre sur près de trois kilomètres.
Le nom de Kabir Kouba ou « Cabircoubat » selon une autre forme d’orthographe, est donné tant à la rivière qu’à la chute et signifie en langue algonquine «la-rivière-aux-mille-détours» en raison de son cours méandreux.
Wendake, le village des Hurons, pourrait être considéré lui aussi comme un quartier de Québec puisque seul un grand panneau indique que vous circulez dans les rues de la réserve, territoire autochtone. J’ai choisi l’hôtel-musée, situé à deux pas de la place des spectacles. Le hall d’entrée donne sur un vaste corridor où sont exposés des mannequins habillés des vêtements traditionnels Huron, fait de douces peaux d’orignal abondamment décorés de franges, brodés de fils et de perles multicolores. Deux mannequins représentants des femmes dont une portant son bébé, dos à dos, chaudement emmailloté, une autre dame à ses côtés, plus âgée, probablement sa mère, en train de broyer des grains de maïs pour en faire de la farine. Des têtes d’orignaux, de chevreuils empaillés suspendus aux murs et partout des ours, des loups, des renards, des loutres, des castors empaillés. Les enfants n’avaient pas assez de leurs deux yeux pour tout contempler ni assez de mots pour exprimer leur joie. Leur estomac n’avait plus priorité.
- Que diriez-vous si on passait à table; parce que là, c’est moi qui ai faim?
- Oui, oui ! Pis on r’viendra voir ça après, hein, dis tonton ? S’inquiéta le Dabo.
- Tout c’que vous voudrez. Aller, passons à la salle à manger.

 

 

Rat ou castor

- C’est quoi du castor ? J’connais pas, s’informa le Dabo.
Bien installés sur leur chaise capitonnée, les enfants ont choisi d’emblée la truite, surtout après les explications et l’image que le maître d’hôtel leur a faites du castor.
- C’est un petit animal qui vit dans les ruisseaux. Il peut couper de gros arbres rien qu’avec ses dents, c’est un travailleur infatigable. Très ingénieux, il construit de solides barrages étanches avec des branches et de la terre, assez élevés pour former des étangs. Tiens, là sur ton napperon il y a une image du castor, expliqua le maître d’hôtel fort sympathique.
- C’est la queutze…! Un gros rat. J’veux pas d’ton rat…!
Le serveur me fit un clin d’œil. Lorsque les enfants reçurent leur assiette, un petit morceau de castor y avait été rajouté; qu’ils ont particulièrement apprécié. Je mis dans les mains du Dabo une pièce de monnaie de cinq sous où figure un castor en plein travail.
- Tiens, garde cette pièce sur toi, tu y vois la gravure d’un castor, qui est l’emblème culturel du Québec. Les Hurons le vénéraient des siècles auparavant comme le totem de leur tribu.
Puis nous avons eu droit aux biscuits indigène, faits de farine de millet et de maïs, agrémentés d’un coulis de « chicouté », cette petite framboise au goût exquis et très particulier, suivit d’un thé du Labrador, le Dabo s’est vu servir un bon verre de lait frais.
- Merci, tonton, c’était vraiment bon! T’sais, le piat morceau d’castor c’était délicieux, comme dit la tante Luluce. J’vâ lui en parler, è doit pas connaître ça.
- Moi ‘si j’â tout aimé. J’vâ parler d’not’ dessert aux Stène pour qu’is nous en fasse des pareils.
Au moment de sortir de la salle à manger, des sons de tambour et des chants tribaux ont attiré notre attention. Du corridor-musée, une passerelle couverte et fenêtrée nous conduit à la salle des spectacles. L’ingénieux architecte lui a donné la forme d’un grand tipi tronqué. L’intérieur ressemble aux cirques sous la tente de mon enfance. Une arène circulaire où sont présentées les attractions, entourée d’une quinzaine de rangées, en gradin, de fauteuils à siège rétractable. Une belle chanson algonquine, bien connue au Québec, était chantée par des voix féminines, rythmée par des tambourins : Ani couni chaouani
Il faut le reconnaître, la Mikète à bonne mémoire. Comme les trois premiers mots sont répété deux fois, elle s’est levé et s’est mise à chanter tout en imitant les pas de danse des chanteuses.
- a-ani cou-ouni cha-a oua-ni
- a-ani cou-ouni cha-a oua-ni!
Pauvre Dabo, il a bien essayé d’imiter sa sœur, le résultat était plutôt décevant mais au moins avait-il fait de beaux efforts. Toutefois, ses pas de danse étaient en harmonie avec la chorégraphie Huronne.

Pour écouter cette chanson :
Ani couni chaouani

Stène : pâtissiers dans la petite ville des Mioches

L hotel musee de wendake

Salle a manger de l hotel musee

 

Bernard Antoine :
La petite anecdote sur le castor, je l'ai vécue avec mes enfants dans un restaurant de Wendake. L'hôtel-musée n'était pas encore bâti. C'était ma fille qui trouvait que le castor ressemblait plus à un gros rat.

Le Pow-Wow

Dans la grande salle du tipi, une troupe de danseurs emplumés, dans leur costume d’apparat aux couleurs flamboyantes, grelots aux chevilles, marquait des pieds le rythme des tam-tams en chantant des mots incompréhensibles. Le pow-wow était commencé.
Leurs danses racontaient des histoires de chasses, de pêches. Certains avaient revêtu qui une peau d’ours, qui une peau de loup, d’autres portaient sur leur tête des bois de cerf.
- Vont attaquer la diligence et scalper les cow-boys !
- R’garde le Dabo, Y’â des Sotrés avec leur peau d’ours.
- Et les Grilous ! C’est les méchants.
- Là, avec les cornes, une biche.
À chaque représentation la Mikète, éblouie, applaudissait et dansait, imitant les pas des danseurs, le Dabo, moins habile tentait de l’imiter. Nous avons assisté à la superbe danse des cerceaux exécutée par Bill Brittain, qui, au même rythme des tambours, ajoutait, toujours en dansant, le nombre de cerceaux nécessaire pour imiter le vol de l’aigle, la course d’un bison ou les sauts du saumon qui a mordu à l’hameçon.
- Moôn ! S’écria la Mikète en écarquillant les yeux.
Tellement absorbés par les prestations nous en avions oublié l’heure. La nuit avait commencé à pencher, mais incapables de quitter la scène. Des danseurs arrivaient armés de torches enflammées, nous étions tous les trois fascinés par ce spectacle, mais il fallait rentrer. À quelques pas de la scène nous avons rencontré un « papoose » en costume d’apparat.
- Moôn ! qu’il est mignon ! Comment t’appelle ?
- …
La Mikète aurait bien voulu lui parler, mais il ne comprenait pas le français elle lui a tout de même donné un gros câlin. Quelques pas plus loin, c’est Bill Brittain en compagnie d’un sorcier.
- C’était bien beau ton truc avec tout plein de cerceaux. J’â bien aimé, lui dit la Mikète pinçant les lèvres et secouant la tête de haut en bas.
- Tiawenhk inenh (merci beaucoup) ! Lui a répondu Bill Brittain d’un grand sourire et lui enserrant les épaules.
Le Dabo, timidement a tendu la main au sorcier qui s’est montré sympathique. Les mioches n’oublieront jamais cette journée chez les Indiens d’Amérique.

Le papooseBernard Antoine :
j'ai peine a imaginer le nombre d'heure de travail qu'a dû prendre la confection des vêtements de ce jeune garçon. Il était si beau que je n'ai pu résister à la tentation de le photographier. Comme la Mikète, ma fille lui a fait un gros câlin. Il est à croquer !

 
 

L’hôtel de glace

- Maintenant on va au dodo. Je nous ai réservé une chambre dans un hôtel tout ce qu’il y a de particulier. Une sorte d’igloo que les inuits qualifieraient « de luxe ».
- C’est quoi, ça, un iglou? Fit la Mikète, la mine inquiète.
- Y’aura-t-il un spectacle de marionnettes, comme à Charleville? Demanda le Dabo.
- Non, mais il y a là de quoi vous emplir la vue. Quelque chose d’original. Il n’y a qu’à Québec, à cause de l’hiver, qu’on peut penser bâtir ce genre d’édifice.
Situé à quelques kilomètres au Nord-Est, c’est à Valcartier, sur le site du village vacances, qu’est bâti l’éphémère « Hôtel de glace ». Avec ses voûtes de neige majestueuses, ses sculptures de glace et ses chambres à faire rêver, l’unique Hôtel de Glace en Amérique se métamorphose chaque hiver pour nous en mettre plein la vue. Fabriqué de neige compactée et de bloc de glace, les murs du grand hall ainsi que ceux des chambres montrent des sculptures, véritables œuvres d’art faites par des artisans de renom, parfois venus de l’étranger. Deux grands lits dans cette chambre. Les bases de lit, tables et tables de nuit, sont toutes taillés dans des blocs de glace qu’un ingénieux système d’éclairage illumine. Une pression sur un bouton et vous changez la couleur ou l’intensité de l’éclairage. Bien sûr, il n’y a pas de chauffage, mais un matelas de mousse, recouvert de peaux d’ours servent d’isolant. Nous dormons, confortablement installés et au chaud dans des sacs de couchage.

 
 

Tourilli (Québec) :
L’arrivée 1 (L’aéroport)
L’arrivée 2 (Kabir Kouba)
Tourilli 1 (Le chenil)
Tourilli 2 (Les moteurs)
Tourilli 3 (Nature indomptable)
Tourilli 4 (Le défi)
Tourilli 5 (Le secteur des caps)
Tourilli 6 (Terminus)
La pièce du Castor
Rennes et Reines

 

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.
Voir le Dictionnaire des Mioches
Voir le Lexique quebecois

Date de dernière mise à jour : 04/11/2023

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