Dimanche 17 novembre 1918

proche de la petite ville // Fratricide (3)

Mustapha se réveilla de bonne humeur. Il était un des rares Indigènes « sélectionnés » pour faire parti de ce régiment de Zouaves. Oh, l’affaire n’avait pas été une sinécure. La Somme, le Chemin des Dames, Verdun… Combien de combats, de batailles. Combien de camarades tombés, de camarades brisés… Il étira son grand corps. Passa sa main dans ses cheveux coupés à ras, mais toujours bien noirs.
- Alors, tu te grouilles ! brailla son lieutenant. 

 

Cela faisait plus de trois ans que Mustapha connaissait Cavé, le lieutenant. Il faut reconnaître que les débuts avaient été bien difficiles. Cavé était un Européen. Mustapha était un Indigène… Mais, ils en avaient tellement fait ensemble, ils avaient tellement souffert ensemble. Si bien qu’ils étaient devenus copains, camarades, inséparables. Cavé s’était mis en tête d’apprendre le français à Mustapha. Si bien qu’aujourd’hui, pour qui faisait abstraction de son physique nord-africain, on l’aurait sans contexte prit pour un… Français. « Un vrai Français ! » rajouterait Cavé. « Avec un accent lorrain » rétorquerait un Parisien...

 

« Cavé, ça c’est un gars bien » clamait Mustapha à qui voulait l’entendre.
- Je vais te passer en revue, rigola Cavé. Aujourd’hui tu dois être impeccable.
- Tout le monde doit être impeccable, mon lieutenant, rétorqua Mustapha.
- Mais, toi, encore plus que les autres, rigola de plus belle Cavé. Mes parents t’attendent…

 

La veille, le général Daugan leur avait adressé : « Soldats de la Division marocaine, demain en Alsace-Lorraine. Vos drapeaux et fanions flotteront éthèrement et saluerons bien bas les Lorrains qui depuis près de cinquante ans pleurent en silence l’oppression de leurs lourds vainqueurs et appellent de tout leur cœur la France chérie. Soyez très bons pour eux ».
L’histoire de la Lorraine, Mustapha la connaissait par cœur tellement Cavé l’en avait bassiné. Il savait même que « Cavé » n’était pas le vrai nom du lieutenant.

 

L’aurore pointait, un jour nouveau se levait. Le colonel fit aligner les troupes en colonnes.
Mustapha et ses camarades marchaient silencieusement, disciplinés. Ils traversèrent Moncel-sur-Seille. Pile à la frontière, les officiers arrêtèrent la troupe et reformèrent les rangs. Cavé en profita pour glisser à Mustapha :
- On arrive chez moi ! Enfin… Je te ferai un signe lorsqu’on passera devant chez mes parents.
Et, ils repartirent au pas cadencé sur la petite route, entre les vallons brumeux. Le chemin paraissait interminable.

 

La colonne fit une nouvelle halte. Juste à ce moment, les croisa un groupe dépenaillé.
- D’où vous venez comme ça ? les héla Cavé.
- De Trêves. On était prisonniers là-bas. Maintenant, on rentre chez nous.
- Et lui, qu’est-ce qu’il fait avec vous ?
- On a fait la Révolution ensemble. C’est fini... Hans veut plus être Allemand. Alors, on l’emmène avec nous.
Le groupe poursuivit son chemin en chantant.
- Ça leur a tourné la tête d’être prisonniers, souffla Cavé.

 

Un ordre tomba :
- Baïonnette au canon ! répéta Cavé en braillant. Et qu’elles brillent au soleil.
- Avec tous ces nuages ? se moqua Mustapha.
- J’m’en fous ! En avant !
Et la troupe reprit sa marche.

 

 

 

Dans la petite ville :

 

L’attente

Flech fratricide
 

 

 

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Fratricide
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Date de dernière mise à jour : 08/11/2023

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