Les Schtroumpfs

Joyeux Noël

Je ne sais si tu as passé un bon réveillon de Noël. Pour moi, ce fut mémorable, il reste et restera inoubliable. Oh, ne vas pas t’imaginer que nous sommes croyants ou culs-bénis. Non, ce serait plutôt le contraire. Mais, nous aimons bien profiter de cette fête pour faire… la fête. Je dois reconnaître que ma jeune sœur et mon jeune frère s’y connaissent en organisation de loisirs et de surprises. C’est ainsi qu’ils m’ont offert un petit voyage et une nuit dans une sorte de parc d’attractions. Sur le sujet, ils m’avaient bien embrouillé. J’étais loin d’imaginer le programme.
21h, le coup d’envoi fut donné. Saumon fumé de Norvège et saumon fumé d’Ecosse accompagnés de toasts au beurre ou à la crème. Pour faire glisser tout cela rien ne vaut un whisky. Et celui-ci était du bon, un qui venait de Taïwan.
21h30, passons au homard. Tout d’abord les œufs, mon frère avait citronnés. A ce stade et pour en avoir mangé il y a longtemps, je peux te dire que le homard, c’est rudement bon. Mais que les œufs, franchement, ça ne casse pas trois pattes à un canard. Ce fut aussi l’occasion de se resservir un petit whisky. J’attaquai les œufs… Même pas deux minutes, j’eus du mal à respirer. Ah, non, pas d’asthme ce soir. Histoire de refouler cette crise qui s’invitait sans y avoir été, je pris quelques bouffées de Ventoline. Mais, ça ne se calma pas, au contraire. Et voilà que ça me galiait la tête, ça me galiait les mains, ça me galiait les bras, ça me galiait la poitrine. Et les picotements s’accentuèrent. Je commençai à hofier sévère, à étouffer grave. Et de nouveaux schpritzes de Ventoline n’enraillèrent pas la crise.

 

Ce fut à ce moment que mon frère décida de téléphoner. Ce n’est qu’un peu plus tard que je compris qu’il avait appelé le responsable de l’agence de tourisme chargé de l’organisation de la soirée. Je dis cela parce que l’homme désira me parler. Bon, sa conversation ne fut guère intéressante puisqu’il ne discourra que de ma santé. Oh, il était même lourd, bien lourd. Au moins trois fois, il me demanda mon nom, ma date de naissance, mon adresse. Moi, je commençais à en avoir marre de radoter les mêmes choses. Enfin, il termina la conversation en disant qu’il envoyait une voiture. Une voiture ? Pour faire quoi, je me le demande.
Il n’y a même pas dix minutes, j’avais essayé de sortir. Mais j’étais resté bloqué sur le pas de la porte. Dommage parce que notre jardin, avec toutes les illuminations que mon frère a arrangées, comme chaque année, c’est bien agréable. Impossible de faire un pas. Bien difficilement, je rejoignis la table. Le homard me tendait ses pinces, le whisky frémissait dans mon verre. Mais, franchement, je n’avais envie de rien. Juste souffler, souffler, aspirer, aspirer.
Je ne sais ce que fabriquaient ma sœur et mon frère, ils étaient là, le nez à la fenêtre. Sans doute admiraient-ils le jardin illuminé. Pourtant, depuis trois semaines, ils devaient le connaître par cœur. Après tout chacun a bien le droit de faire comme il veut.

 

Les voilà ! Dire que mon frère était satisfait ou soulagé, je ne pourrais me prononcer. Toujours est-il qu’il enfila son blouson et fila devant la maison. De ma place, je vis une belle lumière bleue qui tournoyait autour d’un véhicule. Sûr, mon frère avait rajouté un plus à ses illuminations. Bien que je sois mal point, je devais sortir pour admirer cette nouvelleté. Au moins pour lui faire plaisir. Dès ma sortie dans la cour, je fus ébloui par cette lumière bleue qui tournoyait et rehaussait les illuminations. C’était du meilleur effet. C’était géant !
Au pied de l’escalier s’était stationné un gros fourgon rouge. Il avait fait une sorte de pimpon pour annoncer son arrivée. Moôn ! et sa rampe de phares bleus. A l’arrière du fourgon, les portes ouvertes, se trouvaient trois personnes costumées. Non, non, elles n’étaient pas déguisées en Père Noël, mais en bleu. Peut-être en Schtroumpfs ? Un gars et une fille, dans la trentaine, étaient sur point de sortir une sorte de lit haut perché sur des roulettes.
Tout de suite, je compris que c’était l’agence de tourisme qui les avait envoyés. D’ailleurs, le troisième, dans la cinquantaine, était en relation téléphonique avec l’organisateur de la soirée. Me voyant arriver, les jeunes remontèrent le lit bizarre dans le fourgon tandis que le Schtroumpf âgé faisait un compte-rendu tout en notant les informations sur une tablette numérique. Un truc du genre : Déjà, il marche. En mauvais état, mais il est descendu à notre rencontre. Mon frère mettait au point la suite du programme avec les Schtroumpfs.

 

On m’invita à grimper dans le fourgon, à enlever mon blouson et à me coucher sur l’étroit lit. Ben dis-donc, c’est que je ne pouvais pas m’allonger, j’étouffais encore plus. Alors la Schtroumpfette releva le haut du lit afin que je fusse confortablement assis. Les festivités pouvaient commencer.
Le Schtroumpf âgé était toujours pendu à son téléphone et à sa tablette numérique tout en me questionnant : comment je m’appelais, quand j’étais né, ça recommençait. Vraiment, il manquait d’inspiration. Il alla même jusqu’à me demander à quelle adresse j’habitais. Quand même, ils étaient venus jusqu’à ma porte. Je me demandais, si par hasard, il ne se foutait pas de ma fiole. Le Schtroumpf âgé dit au responsable de l’agence : il est conscient.
On m’avait branché une pince au bout d’un doigt. Le Schtroumpf âgé regarda de prêt un écran et annonça 83 tandis que la Schtroumpfette me posait une sorte de pistolet sur le front. Allait-elle me désintégrer ? Voir faire exploser mon cerveau ? Ne gesticulez pas comme ça, je n’arrive pas à prendre votre température. Bien sûr ! La température ça se prend avec un thermomètre qu’on se met au frountze. Elle me maintint la tête et annonça pas de fièvre, 36,8. Elle m’enfila un brassard et à l’aide d’une petite pompe gonfla, et gonfla. Mon bras allait éclater, oui ! 13,1 dit-elle en dégonflant enfin le brassard.

 

Pas de douleur dans la poitrine, ni ailleurs. Sans crier gare le Schtroumpf âgé se mit à enfoncer son doigt dans ma poitrine, sur mon ventre, sur mes bras. Je trouvai qu’il avait de drôles de manières, mais bon si cela faisait parti des réjouissances. Et voici que le Schtroumpf âgé et la Schtroumpfette me tirèrent vers l’avant et m’enlevèrent mon pull. Ça commençait à prendre une étrange tournure. Et il me prit en photo en disant, toujours à son téléphone et à sa tablette numérique, rougeurs à la poitrine, aux mains et aux bras. Et il recommença à pointer son doigt sur mon bidon : vous êtes ballonné ? Bien sûr que non ! C’est mon ventre normal, certes il est bien gros. J’avais même envie de dire : c’est ma réserve de bière, il suffit de visser un robinet et vous pourrez vous servir un bock.
Et le jeune Schtroumpf ? Ben, il faisait la navette entre le fourgon rouge et la maison. Il tenait informés ma sœur et mon frère. C’est qu’ils n’avaient pas commandé ce beau cadeau de Noël sans en contrôler le bon déroulement.
Le Schtroumpf âgé dit de ne pas m’inquiéter, que le moteur du fourgon allait redémarrer tout seul pour recharger les batteries. Quelques minutes… L’électricité suffisamment accumulée, le moteur s’arrêta tout seul. Alors, le Schtroumpf âgé demanda à la Schtroumpfette d’arrêter la ventilation et d’arrêter de respirer. C’était moi qui respirait le plus fort et qui raclait le plus bruyamment. A contrecœur, je m’exécutai, même que ce fut bien douloureux. Pas vous ! s’écria le Schtroumpf âgé, je veux entendre si vous avez de l’eau dans les poumons. De l’eau dans les poumons ? En voilà une idée saugrenue, vu que je n’avais bu que du whisky.
Je repris ma respiration, disons normale. Le Schtroumpf âgé parut satisfait puisqu’il dit à son téléphone : pas d’eau dans les poumons, crise toujours aussi importante. Et la Schtroumpfette me reprit la température et la tension. Tout était normal, sauf ma respiration évidemment.

 

Juste au moment où le Schtroumpf âgé faisait son compte-rendu au responsable de l’agence de tourisme, le jeune Schtroumpf était de retour. Le Schtroumpf âgé lui dit : on l’emmène, va leur demander s’ils préfèrent Compiègne ou Montdidier. Compiègne 30 km, Montdidier 15, ma sœur et mon frère n’hésitèrent pas, ce serait Montdidier. Et vous ? me demanda le Schtroumpf âgé. Oh, moi, Montdidier ça me va très bien. C’est que, dans le village, beaucoup de gens refusaient Montdidier parce qu’ils s’imaginaient que c’était un mouroir.
Après avoir informé ma sœur et mon frère, le jeune Schtroumpf s’installa au volant. En avant pour la suite des aventures. En avant pour le parc d’attractions.

 

Au carrefour, pour faire un dernier au-revoir à ma sœur et à mon frère, le pimpon entra en scène. C’était la première fois que je voyageais dans un tel véhicule, ma sœur et mon frère avaient bien préparé les choses. La rampe des phares bleus devaient se refléter sur les façades. Sauf que moi, je ne voyais rien.
Vous allez être secoué. Pour être secoué, je le fus. Je savais depuis de longues dates que la route entre le village et la grande route était chaotique. Mais, à ce point, je découvrais. Secoué à droite, bousculé à gauche. Vous ne risquez pas de tomber, on vous a mis la ceinture de sécurité. Ça, je le savais bien puisque j’étais agrippé à cette ceinture.
Vous allez sauter. Ah, nous arrivions au petit creux. En voiture, lorsqu’on passe à toute vitesse, ça grayoute dans le ventre. Avec ce fourgon aux suspensions plutôt raides, j’eus l’impression d’embrasser le plafond. Chose impossible puisque la ceinture de sécurité me maintenait.
Une fois atteint la grande route, les douze derniers kilomètres furent presque agréables. On traversa un grand village, puis plus loin un petit village. Le jeune Schtroumpf actionna son pimpon, histoire de faire un peu de publicité pour l’agence de tourisme. Assis à mes côtés, tout en gardant un œil sur les cadrans et en complétant les informations sur la tablette numérique, le Schtroumpf âgé et la Schtroumpfette commentaient le paysage nocturne et discutaient de choses et d’autres. Autrement dit, ils m’occupaient l’esprit. Mais, il ne faut pas prendre les vieux singes pour des niais, j’avais bien compris qu’ils m’emmenaient au parc d’attractions. Arrivé dans Montdidier, le conducteur actionna son pimpon histoire d’avertir le parc de notre arrivée imminente.

 

Et voilà, nous étions à destination. Nous avions atteint le fameux parc d’attractions. Le conducteur vint ouvrir les portes arrières tandis que les deux autres Schtroumpfs, armés de leur tablette partaient discuter avec les chefs des animations. Eux étaient costumés de blanc. Tout de suite, je me rendis compte qu’il y avait deux équipes d’animateurs puisque, dans leur dos, était écris Urgences Médecin pour l’un et SAMU Médecin pour l’autre.
J’étais pressé de passer à la suite du programme. Pas possible de descendre puisque la ceinture de sécurité m’entravait. J’étais en tee-shirt. C’est que je n’avais pas envie de prendre un coup de froid. Sans aucun doute, ma sœur et mon frère avaient payé une bonne somme pour cette soirée. Autant ne pas en être privée pour une banale imprudence. J’allais remettre mon pull...
Nous sommes dans un sas, vous n’aurez pas froid, m’arrêta le conducteur. Et voilà, tout seul, sans l’aide de personne, il entreprit de sortir mon étroit lit du fourgon rouge. Ce con, il allait me foutre la gueule par terre ! J’allais appeler au-secours, lorsque, à mon grand étonnement, l’étroit lit descendit tout seul, dépliant ses pattes à roulettes. Et le Schtroumpf conducteur me roula jusque dans une vaste salle.

 
 

Les Schtroumpfs
Pas de homard ! Du canard !
Retour vers le passé
Froid de canard

 

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.
En savoir plus :
Voir le Notre Petit Dictionnaire

Musée du fantastique

Date de dernière mise à jour : 08/11/2023

Questions / Réponses

Aucune question. Soyez le premier à poser une question.
  • 5 votes. Moyenne 5 sur 5.

Ajouter un commentaire