Un bon bain

La croisière diabolique (Ardennes)

Le calme était revenu, les remous dispersés. Plus serein, Charles ramait en direction de la berge. Là, ils seraient plus en sécurité si un nouveau bateau ou une péniche venait à passer. En cas de naufrage, ils seraient à courte distance de la terre ferme. La berge se rapprochait. L’idée première de Charles était de suivre cette rive à courte distance et de continuer à descendre le fleuve.
- Terre ! (cria la Mikète qui, quelques semaines auparavant, avait vu un film sur les flibustiers, « Les Trois Corsaires » de Mario Soldati).
- Qu’est-ce que tu chantes ?
- R’garde ! Terre !
Charles ne ramait plus, la barque avait prit de la vitesse et filait au gré du courant. A courte distance de la rive, un goulet d’étranglement. L’eau s’y s’engouffrait en bouillonnant. Charles se remit à ramer, nerveusement cette fois. Il voulait éviter cette minuscule île. Malgré ses efforts, le courant le propulsa contre l’île. Un rude choc, la barque s’arrêta net. Tous basculèrent vers l’avant.
- J’t’avais dis !
- Oh, fermes-là. Ce n’est pas le moment de m’emmerder ! (échappa Charles).

 

Tout en ronchonnant, Charles descendit. Son pied toucha l’eau, s’enfonça, toucha le fond, s’enfonça encore. De l’eau jusqu’aux mollets, de la boue par-dessus ses chaussures, Charles se démenait pour sortir la barque de ce piège.
- Bordel de bordel !
- Tu dis des gros mots !
Charles ne répondit pas, il s’acharna de plus belle sur la barque. Il avait beau essayer de secouer cette foutue barque, elle ne bougeait pas d’un poil. Il finit par abandonner. Histoire de repérer le passage, il se dirigea vers la rive. Il avançait au ralenti car la boue, non seulement s’infiltrait dans ses chaussures, mais rendait sa progression pénible. Il atteignit le milieu du passage. L’eau lui arrivait à la taille. Autant dire qu’il était trempé et qu’avec ce temps maussade, il avait presque froid. Il avait, quoi, encore un mètre avant d’atteindre la rive.

 

Sauve qui peut ! Bien décidée à évacuer la barque, la Mikète enjamba le rebord.
- Reste dans la barque ! (aboya Charles) Je vais venir te chercher. C’est trop profond par ici.
En quelques pas, Charles rejoignît la barque. La Mikète grimpa sur ses épaules et en avant.
- Hue ! Hue !
- Oh, oh (la calma Charles) Ne remue pas comme ça, ce n’est pas stable en-dessous.
De l’eau jusqu’à la taille, à cinquante centimètres de la rive un pan rocheux. Charles eut bien du mal pour le franchir tellement ça glissait. Il déposa la Mikète au sec et repartit chercher le Dabo. Première difficulté, le Dabo avait peur de grimper sur les épaules, Charles le rudoya pour qu’il s’exécute. Le gosse tremblait comme une feuille :
- Calme-toi, tu ne risques rien. Tu vas finir par me rendre malade en me secouant comme ça.
De l’eau jusqu’à la taille, à cinquante centimètres de la rive, le pan rocheux, ça glissait, Charles était au bord de perdre l’équilibre… Un coup de klaxon. Le Dabo sursauta bien trop violemment… Une péniche passait à proximité et, sans doute pour saluer ces gens qui pataugeaient, le marinier avait actionné son klaxon. En déséquilibre sur le pan rocheux, le sursaut du Dabo fit déraper Charles. Tous deux se retrouvèrent le cul dans l’eau. Charles avait la tête sous l’eau, le Dabo de l’eau jusqu’au menton. Charles aurait bien aimé se relever d’un coup, mais le Dabo s’agrippait si fort à son cou qu’il manquait d’être étrangler et il n’arrivait pas lui faire lâcher prise.
La Mikète avait beau brailler depuis la rive, rien n’y fit. Elle entra dans l’eau juste au moment où Charles réussit à sortir la tête de l’eau. Le brusque mouvement avait fait lâcher prise au Dabo qui, maintenant, était étalé sous l’eau. Charles le récupéra en empoignant son pull et le traîna jusqu’à la rive.

 

Un malheur n’arrive jamais seul dit-on. Et, pourtant, le Soleil venait de déchirer les nuages et de s’épanouir sur la Meuse. Du coup, il faisait presque chaud. Charles sortit son téléphone et pesta :
- Quèce arrive ? (demanda la Mikète).
- Le téléphone… Il est trempé… Je voulais appeler Didier pour qu’il vienne nous dépanner…
- Comment vâ faire ? (rigola la Mikète).
Charles haussa les épaules, puis invita les Mioches à le suivre. Ils étaient là, debout au bord de la petite route, trempés. Heureusement, le soleil donnait le meilleur de lui-même. Cinq minutes, rien ! Dix minutes, toujours rien !
- Une voiture ! (cria la Mikète).
Charles se planta au milieu de la chaussée et gesticula en brassant l’air de ses bras. Bon gré, mal gré, la voiture s’arrêta.

 

- Oh, les pitchouns, qu’est-ce que vous faîtes là ? Charles, c’est votre oncle ?
C’est que Dominique connaissait Charles depuis quelques temps. Il l’avait rencontré par l’intermédiaire de Marion, la déléguée au supermarché. Charles raconta la croisière diabolique qu’ils venaient de vivre. Dominique riait de tout son soûl. Sans compter que les Mioches en rajoutaient largement et se moquait de Charles.
- Fait plaisir aux gueux, voilà comment ils te remercient (tonna Charles) Le château de Montessor, ça sera pour un autre jour.
- Oh, dommage (regretta Dominique) Ça leur aurait bien plu. Si tu veux, je vous remmène à Charleville ?
- Prête-moi ton téléphone. Le mien est HS. Noyé… (…) Il est là (se réjouit presque Charles lorsque Didier décrocha).

 

Apparemment, Didier n’était pas content, car on l’entendait râler. A la fin de la communication, Charles dit :
- C’est bon, il vient avec un copain dans un autre bateau. Qu’est-ce que tu fais sur cette route ?
- J’ai ramené un gonze chez lui. Ça ne me fait pas un grand détour. Tu as trouvé une nouvelle animation pour ta fête : la Croisière Diabolique (se boyauta Dominique).
Dominique faisait allusion à la fête qu’organisaient Charles, Marion et leurs potes de Lutte Ouvrière. C’était une petite fête bien sympathique, aussi bien politique que festive, à laquelle se rendait Dominique depuis qu’il connaissait Marion, il y a trois ans.
- Je mettrais les Mioches au chamboule tout !
Et Charles raconta l’épisode du bombardement à la cafétéria. Dominique ne pouvait plus respirer tellement il riait.
- Si tu veux, je te débarrasse des pitchouns. Ils passeront le week-end chez moi.
- Vous voulez aller chez Dominique ?
- On vâ pus au château du Géant ?
- C’est râpé ! A moins que vous ne vouliez y allez à la nage.

 
 
Flech cyrarr
 

 

 

Panne sèche ?
Un bon bain
Rocroi

 

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.

Voir le Dictionnaire des Mioches

Musée du fantastique

Date de dernière mise à jour : 24/10/2023

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