L’attente

Dimanche 17 novembre 1918 // Fratricide (4)

Comme tous les matins, Marthe s’était levé tôt. A huit heures, comme elle le faisait souvent, elle rendit visite aux Capet. Sauf qu’aujourd’hui…
- Ah ! T’es triste, la taquina Mme Capet. Ton Frantz s’est envolé.
- Il va me manquer. C’est qu’on s’entendait bien… Et vous Mme Capet, comment ça va ?

 

Mme et Mr Capet étaient heureux que la guerre soit finie pour de vrai, les garçons allaient rentrer à la maison. Difficile de dire ce qu’ils ressentaient au sujet du retour de la France. Depuis le temps qu’ils l’attendaient ! Depuis le temps qu’ils l’espéraient. Maintenant, la France revenait... Leur mémoire trimballait des drames. Après 1870, les frères de Mme Capet avaient quitté la famille pour s’exiler à Nancy, en France. Nombre d’habitants avaient ainsi suivi le même chemin. Et en août 1914, lors de la bataille de Morhange, les Français étaient entrés dans la petite ville, ils étaient restés une poignée de jours et en étaient repartis en emportant des otages. Combien de familles séparées, brisées ? Qu’allait-il se passer maintenant ?

 

Les mauvaises pensées s’envolèrent d’un coup :
- Ils arrivent ! Ils arrivent !
A la suite de Mr et Mme Capet, Marthe se précipita à la fenêtre.
- Vite ! Mme Capet, vos drapeaux !
La pauvre femme faillit chuter, elle se cogna au buffet. Elle psalmodiait : « Les v’là… Les
 v’là… ». Mme Capet était tellement troublée qu’elle confia ses drapeaux à Marthe :
- Mets-les… J’arrive pas… fit-elle en tremblant.
- Calme-toi, Marie, fit Mr Capet. Ils ne sont pas encore en vue. Ça y est ! s’écria-t-il.
- Où ? Où ? s’affola Mme Capet en se penchant par la fenêtre.
- Regarde ! Mme Kihm vient de mettre son drapeau. Ah, son Charles aurait bien voulu voir ça… Marie, le drapeau de Mme Kihm est moins beau que les tiens, rigola-t-il.

 

La rue s’animait et Mr Capet s’amusait à recenser les voisins qui accrochaient leurs drapeaux.
- On aurait dû faire comme eux, regretta-t-il.
Vis-à-vis, plusieurs fenêtres étaient garnies de guirlandes vertes faites avec des branches de sapin. Le drapeau tricolore n’en ressortait que davantage. Un peu plus haut dans la rue, il y en avait même un qui avait mis une statuette à sa fenêtre.
- Regarde Marthe, je crois que c’est la Jeanne d’Arc…
- D’ici, je ne vois pas grand-chose, s’esclaffa Marthe qui n’avait jamais vu de représentation de l’héroïne lorraine.

 

Quatre officiers Prussiens remontaient la rue en direction de Nancy.
- Ils vont remettre les clés de la ville aux Français, ricana Mr Capet.
- Et toute leur ferraille, renchérit un badaud sur le trottoir.
L’homme faisait allusion aux canons et autres obusiers qui avaient été rassemblés il y a quelques jours dans le haut de la ville. Trois quart d’heure plus tard, ils redescendaient…
- Raus ! Place aux Français ! cria le badaud qui s’était enraciné sur le trottoir.

 

 

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Fratricide
7 mai 2017
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17 novembre 1918
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Date de dernière mise à jour : 08/11/2023

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