Vausenéjes

la criée des Vausenates

J’bèyans : (verbe bèyeu conjugué au présent de l’indicatif) « J’bèyans… J’bèyans… » dit le meneur de jeu. En lorrain, le « j’ » ou « je » sont employés aussi bien pour le « je » (première personne du singulier) que pour le « nous » (première personne du pluriel). Seule la terminaison du verbe permet de les discerner, j’bèye = je donne ; j’bèyans = nous donnons. Ici, le meneur de jeu dit « Nous donnons… ». 

Le meneur de jeu procéda à la criée des Vausenates :
- J’bèyans Maria ! J’bèyans Maria !
Tous les autres garçons répondirent :
- A qui ? A qui ?
Le meneur poursuivit :
- J’bèyans Maria à… Louis. Il lui achètera un pain d’épice aussi grand qu’un van !
Tous les autres garçons répondirent ensemble :
- Harengs ! Harengs !
Le meneur de jeu poursuivit :
- J’bèyans Louise ! J’bèyans Louise !
Et les noms des futurs couples défilaient… Enfin, le meneur cria :
- J’bèyans Christine Piémontois ! J’bèyans Christine Piémontois !
Tous les autres garçons bramèrent :
- A qui ? A qui ?
Le meneur mit un temps d’arrêt et reprit :
- J’bèyans Christine Piémontois à… François Dégré. Il lui achètera un pain d’épice aussi grand qu’un van !
Tous les autres garçons s’excitèrent :
- Harengs ! Harengs ! 

van : (substantif masculin) corbeille plate et ouverte sur un côté. Le van servait à séparer les grains battus de leur balle et de leurs impuretés. On les secouait dans cette grande et large corbeille qu’on appelait « van ». Ne pas confondre avec le véhicule dont le nom est une abréviation de l’anglais caravan… et bien moderne.

Harengs ! Harengs ! : je ne sais pas pourquoi les jeunes criaient « Harengs ! Harengs ! ». Peut-être parce que ce jour marquait le début du carême période durant laquelle on remplaçait la viande par du poisson, surtout du hareng (appelé « jambon do cwèrame »).

la bûle

 

La Christine était aux anges. Le François l’accueillit bras ouvert. Il l’enlaça et l’embrassa sur la joue. La Christine faillit défaillir. Toutes les bacèles  avaient leur Vausenat, alors le meneur de jeu enflamma le tas de fagots. Et l’on se mit à danser autour de la bûle. Des rondes par couple, des rondes où tout le monde se donnait la main. Et tout cela sous les vifs encouragements des gens mariés et des encore trop jeunes.
Chaque garçon faisait tourner sa Vausenate autour de la Bûle. La tête comme dans du coton, la Christine riait, chantait, son François par la main ou dans ses bras. La bûle était presque épuisée, seules quelques flammèches se révoltaient encore. Le meneur de jeu cria :
- Celui ou celle qui réussira à sauter sans roussir ses vêtements se mariera dans l’année.

 

Bûle : feu que l’on fait à la Saint-Jean en juin, le premier dimanche de carême lors des Vausenéjes.

 

Dans les vignes

 

Et les couples se tenant par la main s’alignèrent en file. Les premiers se firent lécher les fesses par les flammes encore trop hautes. Au tour de la Christine et de son François. Elle broya presque la main de son cavalier, il l’a regarda avec affection… Ils s’élancèrent… Un joyeux tohu-bohu les accueillit : « Mariés dans l’année !  Mariés dans l’année ! ». Ils étaient les premiers à avoir franchi l’obstacle sans s’être fait roussir leurs vêtements.
On dansa encore un peu, puis le meneur de jeu décréta que l’on allait passer aux réjouissances suivantes. Il était temps pour les gens mariés et les enfants de réintégrer leur foyer. Le meneur de jeu distribua des bâtons, chacun entoura son bâton de paille et l’enflamma. Les torches brandis vers le ciel, bras dessus bras-dessous, on monta vers les vignes des Blancs-rayeux. On parcouru chaque allée, ainsi les vignes seraient protéger du gel pour le reste de l’hiver et de tous les autres maux. Ce feu protecteur, source de chaleur et de fertilité rendrait la terre féconde et vigoureuse. Comme chaque garçon espérait que sa vausenate le serait.
Après quoi, en farandole, on descendit au bal. Une loterie de bouteille de vin et d'alcool réchauffa l’atmosphère... Une fête inoubliable pour la Christine.

Cette fête des Vausenéjes existait déjà à l'époque médiomatrique sous le nom de Beltaine.
Médiomatrique : tribu celte qui occupait autrefois la région autour de Metz.

 

Vausenéjes :
La tradition des Vausenéjes
Ètchuron & Mèle
la criée des Vausenates
Pwès d’p’hhi

 

Date de dernière mise à jour : 29/06/2023

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Commentaires

  • Bernard Antoine

    1 Bernard Antoine Le 21/09/2021

    Bien content, la Christine à eut droit à son François. Tout est bien qui fini bien... Mais... il y a encore une suite. HO! Parlant de hareng. Mon oncle Henri, le marie de ma tante Élise, la soeur de ma mère m'a raconté une histoire (un blague assurément) du premier jour de ses noces. En rentrant à la maison, il aurait dit à Élise que les temps sont durs, qu'il doit gagner l'argent du ménage à la sueur de son front et qu'il faut donc économiser. Pour ce faire, il a prévu suspendre un hareng fumé à l'anneau de la lampe au-dessus de la table, d'y taper deux ou trois fois sa pomme de terre... histoire de lui donner du goût. Le vendredi, on décroche l'hareng, on le mange et le lendemain on en accroche un nouveau... et ainsi de suite. Parait que l'Élise à cru à cette blague et est allé en parler à ma mère. L'oncle Henri se serait fait copieusement engueulé par ces deux femmes à qui cette pratique ne plaisait guère. Le tout c'est terminé dans des éclats de rire. Il n'y a jamais eut de hareng ni fumé ni autre de suspendu à la lampe, mais qui sait si l'oncle Henri n'était pas sérieux au début et être revenu à des pratiques plus humanistes suite aux menaces proférées par les deux soeurs.
  • Daniel Schlauder

    2 Daniel Schlauder Le 25/09/2021

    Ah ! les histoires de harengs. Le sort de l'Humanité en dépend.
  • bernard antoine

    3 bernard antoine Le 22/07/2023

    Et merci pour les explications ajoutées dans les marges, ça rend le texte plus facile à suivre et comprendre.
    Daniel SCHLAUDER

    Daniel SCHLAUDER Le 23/07/2023

    Ainsi c'est plus clair

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