La tante leva les yeux au ciel. Dehors, la pluie redoublait d’effort. Sur le trottoir en face vint à passer une femme. On ne voyait même pas sa tête tellement qu’elle l’avait enfoncée sous son parapluie. Trois automobiles passèrent, deux dans un sens, l’une dans l’autre.
- Pourquoi t’as pas de mari ? (demanda ma sœur. La tante répondit que c’était comme ça, il y a des gens qui se mariaient et d’autres qui restaient seuls) La tante Luluce, elle a pas de mari non plus (Un temps de réflexion et ma sœur rajouta) Alors, t’as pas d’enfant non p’us (la tante fit non de la tête) Et t’en voulais pas quand t’étais jeune ? (La tante afficha une figure qui voulait aussi bien dire oui que non) Ben, on est un peu tes enfants, nème ?
La veille, nous avions appris que la Catinète s’était fiancée avec Tonio. La Catinète était la jeune fille qui venait laver le linge de notre maman et faire le ménage de la tante deux fois par semaine. Tonio était un copain de notre papa.
- T’as pas de fiancé, non p’us ?
La tante avait été amoureuse d’un soldat bavarois lorsqu’elle avait vingt ans. Nous ne faisions pas bien la différence entre amoureux, fiancé, mari. Et…
- C’est quoi un Bavar… comme tu dis ?
Un Bavarois était un habitant de la Bavière. Autrefois, la Bavière était indépendante et alliée des Prussiens. Par la suite, les Bavarois étaient devenus Allemands. Nous n’étions guère avancés.