Et voilà que le petit-fils de Cyprien se lança dans toute une série d’anecdotes. Il était intarissable. Ses amis l’écoutaient, riaient lors des situations burlesques. Tous, sauf un qui faisait une sale tête avec des yeux méchants. Sûr, c’était un peût'ôme. Il finit par grogner :
- Les histoires de Blancs ne m’intéressent pas. Ils sont tous pareils, ils se croient supérieurs à nous !
Les cinq autres lui tombèrent sur le paletot, si bien qu’il les quitta en marmonnant : « On se retrouve au supermarché ». Aussitôt, le petit-fils de Cyprien reprit ses anecdotes. Il était tout fier de nous apprendre que son grand-père avait mis à profit ce qu’il avait appris chez nous : il avait créé et exploité un grand potager dans son village. Un long moment, il chercha :
- Mon grand-père disait toujours un juron lorsque quelque chose n’allait pas ou que nous avions fait une bêtise… Comment c’était donc…. Ah, je le disais aussi lorsque j’étais gamin…
Le pauvre se creusait la tête sans parvenir à un résultat. Pour nous, il n’y avait pas à couper les cheveux en quatre, la Mélie connaissait bien Cyprien, l’invitait chez elle souvent les dimanches, le faisait manger comme nous, lui apprenait nos mots. Ce juron qui défaillait dans la tête du petit-fils ne pouvait être que :
- Vinrats d'vinrats !
- Vinrats d’vinrats ! (exulta le petit-fils) C’est ça ! Vinrats d’vinrats ! Vinrats d’vinrats ! (répéta-t-il en inondant son visage de joie. Il tapa sur le bras de son voisin et d’un air solennel) Eux, ils sont comme nous : ils parlent français et ils ont leur langue.
Ses copains temporisèrent son enthousiasme en sonnant :
- Faudrait peut-être aller au boulot. On a déjà cinq minutes de retard…
- Bon, les enfants, je vais au travail. C’est votre grand-père qui vous a parlé de mon grand-père ? (Nous fîmes oui de la tête et étions bien content qu’il ait trouvé une explication qui ne nous démasquait pas) Demain, vous m’en raconterez encore sur mon grand-père, d’accord ?