Elle ne nous raconta pas que son mari les frappait, elle et son fils. Ni qu’elle s’était enfuie de chez elle grâce à une association. Ni qu’elle était ici, à l’hôtel, en attendant une place dans un foyer…
Avant cette histoire, elle était caissière au supermarché. C’était bien simple, les clients s’approvisionnaient en marchandises diverses, les entassaient dans leurs caddies et, à la fin de leurs achats, s’agglutinaient dans une file, parfois longue. Il aurait suffit que le patron embauche quelques caissières en plus pour réduire l’attente. Le client sortait tous ses achats, sauf les plus lourds, sur une sorte de comptoir où un tapis roulant les emportait. Un à un la caissière prenait les articles et les passaient au scanner. Grâce au code barre, la caisse électronique faisait l’addition, diminuant les bons de réduction, mettant même la carte de fidélité à jour.
A première vue, ce travail semblait facile, peu fatiguant puisque la caissière était tout le temps assise. Oui, mais lorsqu’elle avait mal au dos ? Oui, mais lorsqu’elle avait les jambes ankylosées ? Pas moyen de se détendre ou de se relaxer, elle devait attendre l’heure de la pause de… 20 mn pour six heures de travail. Pour aller aux toilettes, même pour une envie pressante, elle devait attendre que la « remplaçante » arrive lorsque celle-ci n’était pas affairée ailleurs.
Un travail agréable puisqu’elle était en contact directe avec la clientèle. Oh oui, il y en avait qui venait avec le sourire, qui disait bonjour, qui discutait un peu, qui avait le bon mot pour la faire rire ou la détendre. Mais, il y avait, en trop grand nombre, les grognons. Ils grognaient parce qu’ils avaient attendus trop longtemps avant de passer à la caisse. Ils grognaient parce qu’ils n’avaient pas trouvé tel produit ou telle marque dans les rayons. Ils grognaient parce que les produits qu’ils avaient l’habitude d’acheter avaient changé de place. Ils grognaient, ils rouspétaient, parfois ils insultaient la caissière qui n’était en rien responsable de tout cela. Une fois, elle avait dût faire appel au vigile parce qu’une femme devenait menaçante.
Et elle avait quitté son travail, son gagne-pain, de peur que son mari ne la retrouve. Pour l’instant, l’Association pourvoyait à ses dépenses. Jusqu’à quand ?
Non, elle ne nous avait pas parlé de tout cela. Bien au contraire. Ce fut Dominique qui raconta tout cela.