La Pépinière

C’na tem po Tojos !

Ça commençait mal. Tel un vagabond, il dormit dans la gare. Les jours suivants, il eut maintes occasions de constater que le Messin n’avait pas menti. Quelques-uns le plaignirent, d’autres lui donnèrent la pièce comme on la jette à un mendiant, la plupart faisaient semblant de ne pas le voir, certains le chassaient : « Retournez chez vous, nous ne voulons pas de Prussiens ! ».

 

L’Eugène retrouva par hasard le Messin. Il était aux anges, car il avait obtenu le précieux document qui lui permettait d’émigrer à La Réunion.
- C’est où ? (demanda l’Eugène).
- Une île... De l’autre côté de la Terre… Je crois...
Une dernière fois, le Messin lui proposa de le rejoindre là-bas.
- Je reste près de ma terre natale !
L’Eugène l’accompagna à la gare et versa une larme lorsque le train s’ébranla vers Paris.

 

Dans le hall, des Vicois cherchaient à monter à Paris. L’Eugène les connaissait plus ou moins de vue.
- Sans argent, c’est difficile... On va essayer de grimper dans un train, sans billet…
Des Morhangeois voulaient partir sur Bordeaux et, de là, embarquer pour les colonies. Le couple d’une trentaine d’années emmenait ses trois enfants. Un jeune gars de Hayange lui parla des Communards et de la République des Ouvriers qui s’étaient battus contre les Prussiens en 1871.
- Alors, on va s’en sortir ?
- Thiers et Bismarck s'entendent comme cochons en foire (railla le Hayangeois). Les Communards ont été massacrés par les troupes françaises. C’est fini depuis longtemps... les Communards sont au Cimetière ou au bagne.
Si des Français massacraient d’autres Français, il n’y avait plus d’espoir. Lentement l’Eugène se dirigeait vers l’exil. Vers les États-Unis d’Amérique comme le désirait un jeune couple de Haguenau ? Pourquoi pas. On disait que la vie était bonne là-bas. On disait que toutes les nationalités étaient acceptées. On disait même que l’on parlait Français en Louisiane. Oui, pourquoi pas ?

 

L’Eugène traînait dans la Pépinière. Il s’arrêta devant un bananier. Drôle d’arbre... La halte suivante l’enracina devant un manège de chevaux de bois...
Ce fut le fringant Capitaine de cavalerie qui l’aborda. Faut dire que l’Eugène était dans un piteux état. Lui, si fière de sa personne, si confiant dans l'avenir, après cette semaine d’errance, il ressemblait à un clochard. Le Capitaine était originaire d’une riche famille juive de Mulhouse. Son père avait déménagé sa manufacture de textile dans une vallée des Vosges françaises.
Le Capitaine avait aidé plus d’un Alsaciens-Lorrains, comme on commençait à appeler ces exilés qui refusaient la Prusse. Sûr, il sortirait l’Eugène de ce mauvais pas. Sa jolie fiancée l’approuva. L’Eugène avait envie d’embrasser le couple lorsque le Capitaine lui donna rendez-vous, au même endroit, le lendemain à cinq heures après-midi. Le Capitaine lui offrit même une coquette somme d’argent afin qu’il puisse se restaurer le soir et dormir à l’hôtel « Vous me rendrez le double plus tard », rigola le Capitaine.
C’na tem po Tojos !
Le lendemain, le Capitaine ne réapparut pas, ni le surlendemain, ni...

 
 
 
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Date de dernière mise à jour : 09/11/2023

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