Terre !

La Bianche-tète (suite) - (Le Sotré)

 
 

A la surface, la matière se solidifiait, devenait roche, formait une croûte. La Bianche-tète partit d’un rire à faire trembler la Terre. Le grondement s’amplifia à tel point qu’il fissura la croûte. Les roches pestaient, grognaient. Ça trépignait sous nos pieds. Nous basculâmes. Autour de nous, les roches fondaient, devenaient visqueuses, aggloméraient de nouvelles matières. En refroidissant, les matières formaient de… nouvelles roches, de nouveaux paysages.
Une éruption volcanique nous projeta. Gaz carbonique, méthane, vapeur d’eau, acide chlorhydrique, acide sulfurique, etc. Irrespirable ! Chaleur dégagée par la Terre. Chaleur venue du Soleil. Le gaz carbonique laissait la chaleur solaire pénétrer l’atmosphère. Mais, parce qu’il était en trop grande quantité, il l’empêchait de se disperser. C’est ce qu’on appelle l’« effet de serre ». Franchement, au centre comme en surface, cette planète ocre rouge n’était pas bonne à vivre. La pression atmosphérique trop forte nous liquéfia. Nous dégringolâmes en pluies torrentielles. La chaleur des roches nous fit repasser à l’état gazeux. A nouveau propulsés dans l’atmosphère ocre rouge, nous retombâmes… aussi sec, si je puis dire.
Et nous recommençâmes… Et recommençâmes… Le déluge.
Hé, minute ! s’exclama la Bianche-tète. Regardez autour de vous. Dans cette atmosphère ocre rouge, nous n’étions pas seuls. Emparez-vous d’eux ! J’eus juste le temps de rafler quelques acides. Ma sœur s’appropria du gaz carbonique. Au tour suivant, nous réussîmes à nous emparer d’acides et de gaz en même temps. Et nous retombâmes. Le déluge, je te dis !
Ce fut ma sœur qui en eut, la première, l’idée. Fallait tout le temps qu’elle mêle son grain de sel. Elle propulsa de la matière contre des gaz. Miracle, une molécule venait de naître. L’horloge, aussi immense que bizarre, indiquait que la Terre atteignait le demi-milliard d’années. Le déluge parvenait à ses fins. L’eau s’était lovée dans les parties basses. La Terre en était devenue bleu. Aussitôt, nous plongeâmes. Les courants nous entraînèrent dans des farandoles interminables.
Des sédiments d’origine chimique ou volcanique se déposaient. Dans le même temps, le volume de gaz carbonique se réduisait et rendait l’atmosphère plus perméable. La chaleur se dispersa, s’échappa. L’effet de serre s’atténua. La pression atmosphérique baissa.

 

Et les molécules ? cria la Bianche-tète. Nous avions tellement passés de temps à les fabriquer. Les molécules retombaient… sur les roches nues ? Les ultraviolets solaires les détruisaient. A peine nées, déjà mortes. Les molécules retombaient… dans les flots ? Elles voltigeaient comme des flocons de neige. Nous accompagnâmes leur ballet vers les bas-fonds. Elles s’y accumulaient. Elles se régalaient. L’eau les protégeait des ultraviolets, ainsi se formait la « soupe primitive » comme disent nos savants.
Ma sœur s’empara d’une série de molécules et fabriqua une cellule. Elle est géniale, ma sœur, nème ? Ainsi, elle engendra des cellules et encore des cellules. Je l’imitai. La Bianche-tète nous encourageait en frappant dans les mains. D’un coup de menton, elle désigna l’horloge de la Terre qui annonçait le milliard d’années.
Voilà que les cellules dévoraient la matière organique. De simples cellules, elles évoluèrent en végétal. La Bianche-tète les baptisa du joli nom Algues Bleues. Ces algues microscopiques absorbaient l’eau, les sels minéraux et le gaz carbonique. Ces Algues Bleues étaient bien malignes, vâ ! Grâce à la chlorophylle, elles transformèrent l’eau et le gaz en sucre. En glucose, si tu préfères ; la « photosynthèse » préciseraient nos savants. Sans cesse renouvelée, la matière organique ne risquait pas de s’épuiser et l’avenir de la Vie s’en trouvait plein d’espoir… à condition que les Algues se reproduisent. La Bianche-tète posait un nouveau problème…

 

Il suffisait que des cellules mâles rencontrassent des cellules femelles et les fécondassent. C’est papa et maman ! exulta ma sœur. Ce fut notre nouveau jeu. Nous prîmes une poignée de cellules et les semâmes dans les flots. Le tour était joué, une nouvelle Algue Bleue naissait. Et encore une. Si bien que les bas-fonds se couvrirent d’Algues Bleues. Les Algues produisaient de l’oxygène qui colonisa les flots. Voici que l’oxygène s’en évada. Voilà qu’elle s’infiltrait dans l’atmosphère. Le chaud soleil nous évapora. A nouveau, les vents nous portèrent. Partout, l’oxygène s’imposait.
La Vie se compliquait, la Vie évoluait. L’horloge de la Terre sonnait les trois milliards et demi d’années. Ma sœur identifia des mollusques. Je m’extasiai devant une coquille Saint-Jacques. Voici un ban de poissons. Laissons-nous aspirer par la chaleur. Abandonnons la faune aquatique. Prenons de la hauteur, transformons-nous en filandreux cirrus. Des roches se soulèvent, bousculent les flots bleus, émergent. Les continents se forment, se déforment, dérivent, refoulent les flots bleus sans ménagement.
Les courants nous emportèrent vers des eaux chaudes. Par ici, le jour égalait la nuit et le soleil y donnait le meilleur de lui-même. Dans les parties supérieures de l’atmosphère, les ultraviolets solaires transformaient l’oxygène en ozone. Cette couche d’ozone filtrait les ultraviolets, leur refusait le passage. Tiens, les algues proliféraient. Les voilà qui se mettent en mouvement. Elles courent vers le rivage, sortent de l’eau, colonisent le sol rocheux. Elles allaient se métamorphoser et fabriquer l’air.
Sans cesse, l’eau s’évaporait, formait des nuages, arrosait la Terre d’une pluie bienfaisante. La végétation se développait. Tiens, les nageoires de certains poissons s’allongeaient. Tiens, des poissons rampaient sur la plage. Tiens, des poissons à quatre pattes. Tiens des dinosaures. Tiens des animaux perdaient leurs écailles. Tiens, des animaux se redressaient…

 

La Bianche-tète désigna des sortes de singes. Entre leurs mains, les pierres et les os devinrent des outils ou des armes. La végétation s’étendit au Nord. Alors, les troupeaux colonisèrent le Nord. Alors, les bipèdes progressèrent vers le Nord. Du Nord de l’Afrique, les troupeaux passèrent en Asie. De là, ils envahirent l’Europe. Et les Humains suivirent le mouvement…
La Bianche-tète nous convia à entrer dans un endroit froid, humide, ténébreux. La lumière du jour traçait une étrange figure sur le sol rocailleux. Une gouttelette d’eau me fit tressaillir lorsqu’elle percuta mon front. La voix sépulcrale de la Bianche-tète bourdonna contre la voûte rocheuse : la Sotrée habitait cette grotte.
La Sotrée ? La Sotrée ? protesta ma sœur.

 

La Sotrée ? insista ma sœur. Car pour nous, c’était « le Sotré »… Pour toute réponse, la Bianche-tète éclata de rire. Du coup, nous nous retrouvâmes dans son salon…
Passablement fluette, ma sœur avait un visage rond, un peu comme notre grand-mère paternelle. Ses cheveux blonds, presque châtains clairs, étaient raides, presque des baguettes, semblables à ceux de notre maman. Ses yeux étaient bruns comme ceux de notre papa.
Le ton de sa voix était assuré, celui d’une enfant sans complexe. Elle savait ce qu’elle voulait. D’ailleurs, elle parlait haut et fort. Ma sœur donnait bien du fil à retordre. Elle piquait de ces rages lorsque nos parents ne faisaient ou ne donnaient pas ce qu’elle voulait. « T’as le Sotré dans le corps ! » pestaient-ils.
C’est quoi le Sotré ? interrogea ma sœur en gigotant sur le canapé. La Bianche-tète plissa ses yeux noisette. Elle ouvrit grande la bouche comme si elle allait nous avaler tout crû. Elle éructa un « hou » qui en présageait long. Mais, c’est quoi le Sotré ? insista ma sœur en haussant le ton. C’est le génie des Lorrains ! affirma la Bianche-tète. Un esprit vif, sautillant, curieux, effronté, malin. Malin, ce n’est pas peu dire.
Le chat noir reprit place sur ses genoux. La Bianche-tète referma le livre magique. Un éclair zébra la pièce, un bruit du tonnerre nous abasourdit. Les ténèbres…

 
 
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Date de dernière mise à jour : 29/11/2023

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