On ne peut pas dire que la Sotrée faisait partie de la race des Humains. Néanmoins, elle venait de la même souche. Disons donc qu’elle était un être primaire au faciès assez proche des grands singes. Si elle courait à quatre pattes… Non, voyons, la Sotrée se servait déjà de ses pattes de devant pour saisir les objets et même les travailler. Alors, parlons de mains. Si elle courait en s’appuyant sur ses mains, elle passait le plus clair de son temps en station debout.
La Sotrée était une de ces belles femelles, bien robuste. Forte en gueule. Sa voix gutturale rebondissait sur la glace d’un bout à l’autre de la vallée. Forte en carrure. Plus d’un ennemi redoutait son coup de massue. Forte en caractère également. On prétendait qu’elle était une forteresse imprenable et pas un mâle n’osait l’approcher sans son consentement.
La Bianche-tète nous a affirmé que ses ancêtres étaient apparus, là où règne la chaleur. De la lointaine Afrique, la Sotrée n’en avait aucun souvenir. Un long, très long voyage en suivant les troupeaux, ses ancêtres avaient émigré vers l’Asie, puis l’Europe. Quand avaient-ils échoué sur nos coteaux ? La Bianche-tète avait répondu : 'L y è longtemps.
La nuit, tassée au fond de sa caverne, la Sotrée se pelotonnait contre ses six ou sept compagnes et compagnons. Déjà, ça tenait chaud et, surtout, elle se sentait en sécurité. Ah, tu rigoles ? Tu trouves que cet être que je présente comme invincible était bien pleutre ? Sache qu’en ce temps là, les esprits de la nuit rôdaient et emportaient tous ceux qui n’avaient pu s’abriter. Trouillarde ! dis-tu au cas où je n’aurais pas compris. Sache que la peau d’ourse qu’elle portait, c’est elle-même qui avait tué l’animal qui la portait auparavant et qui habitait précisément cette grotte. Tu l’aurais fait toi, seulement armée d’une grosse pierre ? Bon, alors ! Elle était la seule du groupe à avoir gardé la tête de la bête. Lorsqu’elle rencontrait des ennemis ou plus simplement chassait, elle enfilait cette tête. Bien souvent, la vue des crocs acérés et les grognements qu’elle poussait, suffisaient à terroriser. Elle avait même réussi plusieurs fois à effrayer le loup gris.