A leur arrivée sur le chantier, ces braves hommes venus de bien loin ne comprirent pas pourquoi les Français, enfin les ouvriers embauchés en France, les accueillirent froidement. C’est qu’ils ne parlaient pas la même langue. Bref, ce bon patron les payait moins que ceux de France, ils n’étaient pas déclarés, ils travaillaient sans beaucoup de protection, ils ne rechignaient jamais à la tâche, ni à prolonger la journée de travail… Disons plutôt, qu’ils ne comprirent tout cela que ce jour. Cela faisait presque deux mois qu’ils travaillaient là, sans avoir revu leur famille. Ce jour, un de leurs camarades avait chuté. Il fixait des poutrelles métalliques en fer qui soutiendraient le toit. Leur camarade était dans un piteux état, dans le coma. Tous avaient arrêté le travail, mêmes les « Français ». Aussitôt, le patron avait décrété de renvoyer ces braves hommes chez eux. Ainsi, il élimait d’autres problèmes qui ne manqueraient pas de se poser lors de l’enquête sur l’accident…
Non, ces braves hommes ne racontèrent pas tout cela. Déjà, un fourgon aménagé en minicar klaxonnait à la grille de l’hôtel. Ces hommes ramassèrent leurs bagages, descendirent à la queue leu-leu. Dans l’escalier, l’un clama :
- Gówniany kraj !
Ils montèrent dans le minicar qui les emporterait chez eux, bien loin de Charleville… et de l’enquête. Tout cela ce fut Dominique qui nous le raconta.