Pays de merde

Le Verso (Ardennes)

Devant les deux chambres suivantes, un groupe débattait bruyamment dans une langue inconnue. L’un d’eux tapait du poing sur la rambarde en fer. Des larmes faisaient briller ses yeux.
- Qu’est-ce qu’il a ton copain ? (demanda ma sœur au plus proche).
- To nic. Chodźcie dzieci, idźcie bawić się gdzie indziej...
Nous ne comprîmes rien de ce que raconta l’homme qui mit ses mains sur nos épaules et nous poussa, presque gentiment, vers notre chambre. L’homme aurait pu, s’il parlait français, nous raconter que les propriétaires du supermarché avaient trouvé que leur magasin était trop exigu, qu’il fallait l’agrandir. Un entrepreneur local avait remporté le marché de la construction. Mais, voilà s’il ne faisait travailler que les ouvriers embauchés en France, il n’obtiendrait pas assez de bénéfices. Alors, il avait envoyé un émissaire dans un pays à l’autre bout de l’Europe pour recruter des ouvriers « bons marchés ». L’émissaire fit miroiter la belle vie et l’argent facile qu’il offrait à ces miséreux. Plusieurs hommes furent séduits. Ils allaient améliorer les conditions de vie de leur famille. Ils seraient loin de chez eux, mais ils pourraient revenir au pays tous les quinze jours. L’émissaire en sélectionna cinq d’entre eux.

 

A leur arrivée sur le chantier, ces braves hommes venus de bien loin ne comprirent pas pourquoi les Français, enfin les ouvriers embauchés en France, les accueillirent froidement. C’est qu’ils ne parlaient pas la même langue. Bref, ce bon patron les payait moins que ceux de France, ils n’étaient pas déclarés, ils travaillaient sans beaucoup de protection, ils ne rechignaient jamais à la tâche, ni à prolonger la journée de travail… Disons plutôt, qu’ils ne comprirent tout cela que ce jour. Cela faisait presque deux mois qu’ils travaillaient là, sans avoir revu leur famille. Ce jour, un de leurs camarades avait chuté. Il fixait des poutrelles métalliques en fer qui soutiendraient le toit. Leur camarade était dans un piteux état, dans le coma. Tous avaient arrêté le travail, mêmes les « Français ». Aussitôt, le patron avait décrété de renvoyer ces braves hommes chez eux. Ainsi, il élimait d’autres problèmes qui ne manqueraient pas de se poser lors de l’enquête sur l’accident…
Non, ces braves hommes ne racontèrent pas tout cela. Déjà, un fourgon aménagé en minicar klaxonnait à la grille de l’hôtel. Ces hommes ramassèrent leurs bagages, descendirent à la queue leu-leu. Dans l’escalier, l’un clama :
- Gówniany kraj !
Ils montèrent dans le minicar qui les emporterait chez eux, bien loin de Charleville… et de l’enquête. Tout cela ce fut Dominique qui nous le raconta.

 
 

Le Verso
Cyprien
Gentille dame
Pays de merde
Déchéance
Le collectionneur
Fille mère
Patron ?
Dominique

 

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.

Voir le Dictionnaire des Mioches

Musée du fantastique

Date de dernière mise à jour : 24/10/2023

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