Trop occupés à colorier le livre qu’on leur avait donné, les enfants ne se sont pas aperçus de ma présence. Je venais tout juste de saluer Noël Bédard lorsque les deux mioches, entendant parler, se levèrent d’un bond, coururent vers moi, m’enlaçant de toute leur force.
- Tonton Bernard ! Crièrent en cœur deux jeunes voix.
- Bon! C’est pas tout, on a du pain sur la planche. On dit merci et au revoir à Monsieur le directeur qui a été bien gentil et qu’on laisse retourner à son travail.
- C’est vrai qu’t’as été gentil, nème. Allez, le Dabo, dit au revoir au monsieur. S’est-elle exclamer, tirant le Dabo par la manche.
En passant dans la grande salle d’attente, l’immense verrière donnait vue sur les pistes d’atterrissages bien dégagées qui contrastaient avec le blanc de la neige des alentours. Ce spectacle rappela quelque chose à la Mikète.
- Le monsieur directeur a un drôle d’accent, y’était pas facile à comprendre. Toi aussi tu as un accent, mais j’te comprends mieux.
- Je dois te dire que, comme toi, je suis Lorrain, né à quatre kilomètres de Metz. Pour plusieurs raisons, je me suis dépêché à me fondre à la population québécoise. La barrière de la langue étant la principale. J’ai tout de même tenu à garder un attachement à la France et en particulier à ma Lorraine natale. J’ai acquis une forme de bilinguisme dont je suis fier.
- J’comprends pas grand yèque, déplora le Dabo.
- C’est pasqu’il a un accent étranger. Faut s’habituer.
- On est arrivé là… R’garde not’ avion… Bâ, sais pas… Pêtre çui-là… Sais pas… Tu sais, dans l’avion on r’gardait par la fenêtre. Moôn ! C’était tout blanc. D’la neige, partout d’la neige…
- Pis fait frôd…! renchérit le Dabo.
- C’est l’Pôle-Nord, le Dabo. Nème tonton Bernard, ç’ot l’Pôle-Nord ?
- Halte-là, minute papillon…
- Te causes comme not’papâ : « minute papillon ! » Coupa la Mikète.
- Sachez qu’on est presqu’aussi loin du Pôle-Nord que de Paris d’où vous arrivez. On compte 4800 km. de Québec au Pôle-Nord et 5500 de Québec à Paris. La différence n’est pas bien grande. Peut-être aussi n’êtes-vous pas assez bien habillés pour notre climat, on va remédier à cela sur le champ! Suivez-moi!
- Le champ ? On va labourer le champ avec ton tracteur ? Rigola la Mikète.
- Je voulais dire maintenant, tout de suite… Le temps de se rendre à un magasin que je connais bien.