Allez! Debout là-dedans! C’est l’heure, on s’habille, on fait sa toilette matinale, on déjeune et on part. Mon ami André nous attend, nous allons vivre une aventure sensationnelle.
- Ousque tu nous emmène aujourd’hui?
- Je ne dévoile rien pour l’instant, c’est une surprise et vous allez voir qu’elle est de taille.
- Bâ dis-donc… Es-tu toujours plein de secrets comme ça?
Quinze kilomètres en voiture pour se rendre à Saint-Raymond, la ville voisine, et moins de quatre autres de plus sur le chemin du Bras-Nord (de la rivière Sainte-Anne) et nous entrons dans le chenil d’André Bernier, propriétaire de son entreprise et pilote de traîneau. Excités par l’arrivée d’inconnus, une dizaine de chiens, debout sur leurs pattes arrières, retenus par leur longe étirée à se rompre, jappent en cœur, la queue fouettant l’air, comme s’ils étaient contents de notre arrivée.
À la vue de ce bruyant accueil, la Mikète eut un mouvement de recul, se croyant en présence d’une meute de Grilous.
- Moôn ! Vont nous bouffer !
- C’est des manres Grilous, renchérit le Dabo en se réfugiant derrière moi.
- AH ! Les kègnes !
Cette réaction était naturelle pour des enfants qui voient des chiens huskys pour la première fois. Ces animaux leur paraissaient imposants, donc dangereux. Mais André est arrivé et d’un ton impératif, a crié deux ou trois mots;, les chiens se sont couchés, un calme relatif s’est installé. Après les salutations d’usage, André prit les enfants par la main et les entraîna vers la meute.
- Venez! On va faire connaissance. Les chiens ont envie de vous sentir, de se faire caresser.
- Is sont gros tes chiens! Font trois ou quatre fois not’Fofo. T’es sûr qu’is sont pas méchants ? Gronda la Mikète en proie à une crainte instinctive. Étonnamment, la fillette se raidissant, le Dabo, plus confiant tirait la main d’André en direction des animaux.
- Tiens, je te présente Blue (Blou). C’est une chienne husky, elle a quatre ans.
- R’garde le Dabo, elle a les yeux tout bleu… è l’a un drôle de regard…
- Te gueûle pus maint’nant ! T’sais ça grayoute dans ma bodate. Ajouta le Dabo s’adressant à Blue.
- Je savais qu’un océan me séparait du pays de mes ancêtres, mais là, peux-tu m’expliquer ce qu’il dit ? Demanda André se tournant vers Bernard qui se montrait désolé, les mains tendues, de ne pouvoir traduire. Le Dabo le fit, à sa façon et avec des gestes éloquents.
- Bâ, quand i r’garde comme ça avec ses yeux bleus, expliqua le Dabo en montrant son ventre.
- T’es un beau chien! La Mikète lui trouvait un regard inquiétant, presque agressif. Mais quelque chose dans l’attitude de l’animal lui donnait confiance.
Elle s’adressait au chien tout en approchant doucement la main que l’animal a flairée et léchée de sa langue chaude et mouillée. Puis, plus confiante, la Mikète lui caressa la tête, glissa ses doigts dans l’épaisse fourrure du cou. La chienne gémit doucement, se mit sur le dos afin de prouver sa bonne volonté et ses intentions pacifiques. La jeune fille était conquise.