La Mahon avait partagé son repas avec Big Cat. Après, selon la tradition, Big Cat s’était juché sur son perchoir favori : l’armoire. La Mahon avait voulu le suivre. En vain. Elle n’avait pas réussi à grimper. Notre maman qui avait son lit dans la même pièce eut la surprise, au cours de la nuit, de la découvrir couchée contre elle en ronronnant comme une bienheureuse. Tout le contraire de Big Cat. La Mahon était douce, affectueuse, gentille et refusait de partir à l’aventure comme le faisait le gros matou. Les mamours de sa jeune amie ne troublèrent nullement Big Cat qui s’entêtait à faire le « Katze des Boches » et griffait sans vergogne celle ou celui qui l’approchait de trop.
Le soir lorsqu’il rentrait, la Mahon lui faisait la fête. Elle se frottait contre son gros corps et miaulait à n’en plus finir. Mais Big Cat ne supportait guère longtemps ces démonstrations de tendresse. Un coup d’épaule éloignait la Mahon. Et si elle n’avait pas compris, un bon coup de patte sur la tête, sans sortir les griffes, réfrénait ses ardeurs.
Et puis un jour, Big Cat avait terminé sa séance de griffage dans la cage d’escalier. Il descendit de sa niche, dégringola les marches. D’habitude, il sortait par la porte de derrière, celle qui donnait sur la cour. Mais, ce jour là, il trouva la porte de devant, les deux battants au large ouvert. C’est qu’on apportait de nouveaux meubles de bureaux… Les livreurs le surprirent assis sur le grès du perron, leur interdisant le passage. Les furieux feulements ne les impressionnèrent aucunement. L’un d’eux tapa du pied, gesticula en criant et en avançant. Big Cat prit les jambes à son cou, passa sous le camion des livreurs et se retrouva sur la chaussée. Un convoi militaire américain dévalait la rue. Le premier camion l’écrabouilla, les suivants achevèrent de le réduire en infâme bouillie.