Et Charles avait repris l’énumération de toutes les nouvelletés de ce monde bien attrayant : les fusées, la station spatiale…
- Des gens sur la Lune, bâ alôre !
Campé à quelque distance, le serveur s’amusait de notre émerveillement. Charles en profita pour replacer sa vanne sur les Martiens. Le serveur rigola.
- J’essaie de les civiliser, mais c’est bien dur.
- Comme je vous comprends. Bon courage.
- Je me demande si je ne vais pas les envoyer à Belair, mais pas pour voir le prince.
Et Charles et le serveur se boyautèrent à nouveau. Ils se foutaient de notre fiole pour pas un rond. Encore une fois nous étions les dâbos de la farce.
- Vous avez choisi ?
- Quoi ?
- Ce que vous voulez manger. Vous êtes venus ici pour manger, non ? Et moi, je suis là pour vous apporter vos plats. Alors ?
- Un steak-frites (nous exclamâmes en cœur).
- Vous aurez une entrecôte, c’est pareil, mais bien meilleure.
- Et d’la mayonnaise ! (m’écriai-je).
- La sauce Roquefort, c’est bien meilleure. Tu verras.
- J’aime bien la mayonnaise…
Elle était bien bonne celle-là, il nous demandait ce que nous voulions manger, et après, c’était lui qui décidait. Je finis par me ranger à son avis, plutôt à l’avis général puisque ma sœur et Charles avaient choisi Roquefort.
- Et pour la cuisson : bleu, saignant, à point ?
- Sais pas… (s’interrogea ma sœur) La môman quand elle fait les steaks, c’est trop cuit. Mais le papâ, lui, le steak i saigne quand il le coupe. J’veux comme ça. Et tant pire pour les vers, nème le Dabo ?
C’est que notre maman, elle disait toujours : avec la viande saignante, t’vâs attraper des vers au frountze. Notre papa s’en fichait, lui il mangeait saignant et même, parfois, il se faisait un steak haché tout cru avec un œuf aussi cru. Nous, nous n’y avions pas droit.