Une belle automobile immatriculée 75 remontait la rue, elle s’arrêta à leur hauteur. Par sa vitre baissée, la passagère demanda :
- Pardon M’sieu dame, pour aller sur Metze ?
Toujours prêt à rendre service, le père Galate se précipita. Prenant un accent hachepaille :
- Bonschour…
- Bonjour (se reprit la passagère) Nous cherchons la route de Metze.
- Allez où ?
- A Metze m’sieu…
- Metze ? Metze ? Chamais entendu parler d’ça ! Tu konnais Metze, toi Ota ?
Au lieu de répondre, elle se mit à rire tandis que sa fille scandait « Metze ! Metze ! » en ricanant.
- Mais si, Metze (insista la dame).
Agrippé à son volant le conducteur s’énervait, il scanda : « Ils ne comprennent rien ! Montre-leur la carte ». Ce que fit la dame en pointant du doigt, écris en gros « Metz ».
- Nous voulons aller à Metze (articula-t-elle).
Le père Galate enleva sa casquette, se gratta la tête, repositionna sa casquette et reprit son accent normal, notre accent :
- Vous êtes Boches ?
- Nous venons de Paris, m’sieur …
- Alors pourquoi vous dites « Metze » ? (que lui fit le père Galate) C’est les Boches qui disent « Metze ». Nous, les Français, on dit « Mès’ »… Ah ! Vous avez un drôle d’accent !
Les Parisiens firent une très mauvaise tête, mais n’en rajoutèrent pas. Enfin le père Galate leur indiqua la route à suivre en articulant bien comme s’ils s’agissaient d’étrangers qui connaissaient mal notre langue. « Arschloch ! » lança-t-il, tandis que les Parisiens faisaient demi-tour, l’Oda dit :
- Vous êtes taquin, père Galate.
- T’sais Oda, mon fils est monté à Paris après la guerre. Il travaille dans une compagnie d’assurances. Le « Soleil » que ça s’appelle. Tu m’croiras si te veux, ça fait bien quatre ans qu’il est là-haut. Bâ, ses collègues se moquent toujours de son accent. Y’en a même qui le traite de « Boches ». Les moins méchants lui disent qu’il est Alsacien… Alors quand les Parisiens viennent chez nous, nème ! T’as entendu l’Dabo comment qu’is parlent les Parisiens ?
- Coin-coin qu’is font !
- T’as raison l’Dabo, les Parisiens, ça parlent comme les kénards ! (le père Galate fut secoué de spasmes, entre deux fou-rires, il articula) Si ça se trouve, c’est eux qu’ont écrabouillé l’vélo du Fanfan.
- Oh, père Galate (protesta mollement l’Oda).