Des racontars

(Le Marché // Le Vélo)

 
 
 

La Catinète était une grande maigre comme sa mère. Elle faisait les lessives à domicile. L’Oda se souvenait que la grand-mère, puis la mère venaient, déjà, chez ses parents lorsqu’elle était petite.
Une voix douce et rassurante, jamais ou alors vraiment rarement, la Catinète n’élevait la voix. Même lorsque les Mioches la taquinaient. Alors, elle prenait une grosse voix, plus comique que sévère, et s’écriait : « Manres mandrins, j’vâs vous mettre dans la lessiveuse et vous frotter les côtelettes avec la brosse à chiendent ». C’était plus fort qu’elle, elle finissait sa phrase en riant. Ce qui encourageait les Mioches à recommencer :
- Catinète j’âs rien fait. L’Dabo non p’us. C’est l’Sotré qu’a fait ça, rien que pour t’embêter.
- L’Sotré ! L’Sotré ! Manres mandrins !

 

Avec Tonio, elle formait un beau couple. Ils étaient aussi grand l’une que l’autre. Elle, une longue chevelure blonde. Lui, des cheveux frisés bien noirs. Elle, un visage bien pâle. Lui, un visage bien bronzé. La Lorraine épouse l’Italie plaisantait le Milou. Comme la Catinète habitait presque en face, un peu plus haut, et que Tonio venait la chercher les samedis soirs et les dimanches, les Mioches les voyaient souvent repartir bras dessus, bras dessous. Ils avaient même vu, au moins trois fois, Tonio lui faire un chmoutze dans le cou.
Oh ! Le Dabo devrait avoir honte… Figure-toi que la Catinète connaissait ses plus intimes attributs. A l’époque, la famille Chlodère venait d’emménager chez la tante Agathe. A chaque fois que la Catinète avait fini sa lessive…
- On dirait qu’il le fait exprès (grognait sa maman).
- Laissez madame Oda, j’vâs le changer. Ça me f’ra de l’entraînement pour quand j’en aurai un.
Hopla, la Catinète changeait les langes. Le Dabo en profitait pour exposer ses belles fesses et son piat chpatze. Une fois, il lui avait même pissé au nez. Sa maman se lamentait : « C’est pas vrai ! C’est pas vrai ! ». La Catinète riait de tout son soûl en clamant : « Madame Oda, c’est le métier qui rentre. Grâce au Dabo, j’suis fin prête pour avoir un bébé ».

 

Traditionnellement, le jeudi la Catinète allait au marché, elle avait fini son tour, elle posa ses cabas à terre.
- Môman vous a payée pour le mois dernier ?
- Oui, oui, vous en faites pas madame Oda. J’suis allée faire sa lessive hier. J’passe chez vous demain après-midi ? Quand f’rais l’ménage chez Demoiselle Agathe.
- J’changerai mes draps le matin. Et le mariage ?
- Encore trois semaines. J’espère que vous viendrez au vin d’honneur, et les Mioches aussi, nème ? Tonio sera bien content (La Catinète désigna un de ses cabas, celui qui était le plus rempli) Voyiez-voir, c’est pour Monsieur Goupil tout ça.
- Il est tout seul, i mange tout ça ? (s’exclama l’Oda).
- Pensez-voir. Chaque semaine, il me fait le coup. Et c’est des légumes, et c’est de la viande, et c’est du fromage… Deux jours après il me dit : j’en ai trop, je vous ai préparé cela. Tous les samedis, pour pouvez être sûre madame Oda, j’ai droit à un cabas rempli. Il rajoute même des gâteaux. Et j’ai pas intérêt à refuser. Il se fâche.

 

- Vous avez vu le Fanfan ? (l’Oda se souvenait soudainement de l’événement du jour).
- C’est des racontars tout ça. Personne n’a rien vu et tout le monde en parle.
- Y’en a qui disent qu’il s’est fait renverser.
- C’est le Sotré qu’a fait ça !
- Oh, le Sotré, c’est un manre mandrin comme vous, les Mioches (rigola la Catinète) Pensez-voir madame Oda. Je l’ai vu qu’i rentrait à la Mairie quand je descendais au marché. Si ça se trouve le Fanfan a pris trop vite son virage devant chez le Jano et il est tombé tout seul.
- Oh Catinète (protesta l’Oda tout en se marrant).
- Faut bien rire un peu madame Oda. Du moment que le Fanfan est entier, ça ne lui fait pas de mal.

 

La Catinète était sur le point de repartir lorsque arriva le père Mohhat. Comme à son habitude, il embrassa l’Oda, les Mioches et… La Catinète eut un mouvement de recul. Se reprenant, elle finit par faire la bise au père Mohhat. Il venait de « piller » le fromager comme il dit en riant : Münster, Bleu d’Auvergne, Gruyère et Cantal.
- Me voilà fin prêt pour affronter la s’maine (fit-il. Puis désignant la fringante femme qui passait à quelques mètres) La pimbêche parade toujours.
- C’est la femme… (La Catinète désigna une maison de l’autre côté de la rue qui faisait le tour de la place).
- C’est ça. L’autre jour, elle a fait un tel esclandre chez la Dédée.
- Il parait, la Lolotte m’en a parlée (répondit l’Oda).
- Qu’est-ce qu’i s’est passé ?
- Une histoire de fesses, Catinète. La Dédée était aux premières loges (rigola le père Mohhat).
- On va au Qwâroye père Mohhat ?
- Mikète ! (protesta sa maman).
- On ira dimanche. En s’maine, j’ai pas le droit (ria le père Mohhat).
- Moi aussi, j’vâs au Qwâroye !
- Tu viendras avec, le Dabo.
- Oh, ces deux-là. Et madame Mohhat, ça va ?
Depuis toute petite, l’Oda connaissait les parents de la Mimie. Combien de fois, l’une et l’autre lui avait dit de les appeler par leurs prénoms. Mais non, l’Oda n’y arrivait pas.

 

- La mère Mohhat va bien, Oda. Là, elle est partie choisir son téléviseur. Moi, ça ne m’intéresse pas. Ma radio et mon journal me suffisent. Et quand je veux me distraire, j’ouvre un livre ou je vais faire une balade dans la campagne.
- Martini ! Martini ! (crièrent les Mioches).
Le Félix embrassa tout le monde, sauf le père Mohhat à qui il serra la main.
- Alors le père Mohhat, ça getse ?
- Ça va et chez toi ?
- C’est tout bon. Faudra que vous veniez voir notre nouvel appartement.
- Ils sont bien installés (fit l’Oda sur un ton admiratif).
- Z’ont même une baignoire. Une grande baignoire, t’sais (rajouta la Mikète).
- Parles-en à ma bourgeoise. C’est elle qui veut jamais sortir. Sauf aujourd’hui (rigola le père Mohhat) Elle est par chez toi, chez le marchand de téléviseurs.
- J’l’ai vue en v’nant. Elle m’a dit de vous en parlez, que c’est vous qui décidez…
- C’est nouveau ça. Parce qu’à la maison, c’est elle qui porte le pantalon. Et j’ai intérêt à filer droit.
Tous s’esclaffèrent.
- Sans blaguer : elle m’a dit dimanche après-midi.
- C’est noté Félix. Si la bourgeoise l’a dit, il faut le faire.
- J’ai ta commande Catinète. Enfin presque, me manque plus que le vin. Je vois mon copain la semaine prochaine.
- Martini, whisky, Ricard et des jus de fruits pour les enfants ?
- Mais oui, j’ai tout. Ton mariage sera bien arrosé. Je t’amènerai tout ça, disons samedi. Enfin, pas le samedi là, l’autre d’après quand j’aurai récupérer le vin.
- Et l’Fanfan, t’as des nouvelles ? Parait qu’i s’est fait renverser devant chez le Jano.
- Penses-tu, je l’ai vu ce matin. Justement chez le Jano. A mon avis, le Jano s’est fait voler une neuve bicyclette. Ils étaient dans le magasin, je les ai juste salués du dehors. Mais c’est vrai que les gens racontent un tas d’histoires.
- Y’a de l’animation chez nous (s’esclaffa le père Mohhat) T’vois Oda, pas besoin de téléviseur.
- Bon, j’vâs vous laisser (dit le Félix) J’dois être à deux heures à Morhange. Et comme j’ai dit à la Domi que je faisais les courses ce matin… Bonne journée.
- Toi aussi. Embrasse la Domi pour moi (cria l’Oda).
Le départ du Félix provoqua la dislocation du couârail.

 
 
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A suivre

Moins grave

(Le Marché // Le Vélo)

Le fin mot de l'histoire ?

 

Le Sotré
C’est la fête
Le Vélo :
* La Descente
* Le Marché :
La Bûche
~ Le Fanfan enquête
Visions et rêves
~ Des racontars
~ Moins grave
* La Bûche

La Gazette des Fiawesmai1954

Parfois il suffit de passer la souris pour connaître la signification d'un mot.

En savoir plus sur les personnages :
La Mikète 5 ans, le Dabo 2 ans 1/2, le Fofo 12 ans, l'Oda leur maman 28 ans, le Milou leur papa 28 ans,

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Date de dernière mise à jour : 01/07/2024

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