La Nanète faisait les chambres à l’hôtel de la Couronne. Son mari était un grand gaillard qui travaillait à l’usine à gaz. Un jour, il surprit son épouse en train de batifoler. Le mari avait coursé le père du Totol, de l’hôtel jusqu’au marché. Le père du Totol avait eu juste le temps de grimper dans le camion et de presser son fils à démarrer. Tout leur étal était resté sur le marché…
- C’est pas pour rien qu’il m’emmenait avec lui. A peine, on arrivait qu’il disparaissait. Des fois, il revenait, le marché était fini depuis longtemps. C’est comme ça que j’ai rencontré ma femme. Au café des parents d’la Lolotte (rajouta-t-il).
- Elle est d’ici ?
- Non, non, de Moncel… Ah, il était spécial. J’avais pas intérêt à la ramener. Il m’aurait filé une rouste, même quand j’avais trente ans.
- Te dégoises sur ton père, au moins. Un vinrats de coco çui-là.
- Oh, Mélie, t’es en retard aujourd’hui.
- Tu t’ennuyais après moi, mon chéri ? (elle fila un coup sur le bras de l’Oda) T’sais Oda, on aurait pu être marié tous les deux. Si j’avais voulu ! Pas vrai Totol ? (elle donna un coup de menton pour mieux affirmer ses dires. Le marchand approuva en souriant) La première fois qu’il m’a vue, il avait un cheval. Tête de Hans qu’i s’appelait. Nème !
- Tête de Boc ! (rectifia le Totol).
- Vinrats, t’es sûr ?
- C’était le cheval de mon père quand même !
- Bâ… Passons. Il était là à me regarder, la bouche ouverte, sans pouvoir ni parler, ni bouger… Pas vrai Totol ? (le marchand acquiesça d’un hochement de tête) Pendant ce temps, sa Tête de machin a bouffé toute une caisse de carottes. Vinrats d’vinrats !
- Il a fait ça ! (s’émerveilla la Mikète).
- Quand j’te dis que c’était un âne, j’mens pas (confirma le Totol).
- Oda ! (fit la Mélie en tapant une nouvelle fois sur son bras) T’me vois marié avec l’engin-là ? Vinrats ! J’aurai été sur le marché en train de gueûler : v’nez voir mes belles carottes !